Archives de catégorie : Littérature

« Soleil d’or » de Jacky Durand

François et Emma se follement aimés sur un quai de gare une nuit d’hiver 44. Ils se promettent de se retrouver après la guerre et François part pour l’île attendre Emma qui rentre à New York…

« Depuis près de quarante ans, mon amour pour toi ne m’a jamais quitté. Quand je rentre à Soleil d’Or, je suis chez nous et je rêve de te raconter ma journée. »

C’est « l’histoire d’un mec qui parle tout seul à l’amour de sa vie sans une maisonnette au-dessus de la plus belle crique au-dessus de la mer. » Un homme habité par cette passion, un amour fou, puissant, contrarié par la vie mais auquel il s’accroche et qu’il magnifie, sans cesser d’y croire.

Une histoire d’amour tellement folle qu’on a envie d’en connaître le dénouement.

« Belette » de Mye

« Ça sent la LIBERTEE. Allez, tais-toi et profite.« 

« Tu vas trop vite Belette ! T’as trop de choses à me dire ! Qu’est-ce que tu fais là ? Tu me tombes dessus comme ça, tu me presses. Tu sais, je t’ai vue et t’es restée dans ma tête ! Et puis, d’où tu sors d’abord ? Tu débarques à l’heure de l’apéro, comme ça, d’un coup, sans crier gare. Tu me descends de nulle part, sans détour, têtue comme une bourrique et déterminée comme un taureau. Le monde demande qu’à sombrer et toi, tu sauves l’enfance ! Tu sauves l’amour ! Tu sauves les fous ! Tu sauves les mouettes ! Tu me noies, clairement.« 

Belette a 13 ans et la cabosse avec son père et ses mousseuses, ça la connait. Avec Babine, sa bicyclette, elle prend le large le jour où Pierre, fesses-trop-hautes, manque son acrobatie à cause d’un baiser qui colle. Direction, le cimetière bunker et la Grand Plage où elle croise et recroise la femme Imperméable à la robe aux fleurs jaunes, Léon et ses sacs plastiques qui dansent avec les mouettes et le Mécano du Bon Dieu dans sa salopette…

Hymne à l’enfance, à la vie, à la joie qui résiste aux larmes, « Belette » est éclat de soleil dans le gris du ciel.

« Sur l’épaule des géants » de Laurine Roux

« Le temps malgré tout trouvera la solution malgré toi. »

Chez les Aghulon, les femmes, de mère en fille, sont des fleurs éperdument amoureuses et dotées de dons exceptionnels, les hommes se toquent de sciences et de techniques, les chats tiennent le crachoir et la dragée haute à tout ce joli monde.

Servez-vous un verre de « Aïthops Oinos » et, des Cévennes à Paris, de 1850 à 2001 suivez cette famille fantasque et fantastique dans ses pérégrinations historio-tragico-drôlatiques.

Où il faut aimer la vie, l’aimer même si, impossible de ne pas succomber passionnément à cette galerie de personnages hauts en couleurs et doués pour la vie.

Quatre romans publiés par Laurine Roux, un plaisir et une surprise sans cesse renouvelés. Une immense sensation de coup de cœur.

Bonne nouvelle, vous avez aujourd’hui le choix entre la magnifique édition illustrée par les gravures d’Hélène Bautista ou le format de poche à emmener partout !

« Le chant de la rivière » de Wendy Delorme

Des bouts de laine dans les ronces, des baignades dans un bassin de pierre rapiécé et des poèmes qui racontent l’amour d’un feu dont les matières inflammables peuvent éclairer sans brûler. Deux histoires d’amour qui se mêlent et se répondent, avec un ventre qui palpite de ses secrets cachés dans une bâtisse abandonnée, des boîtes et des albums photos qui surgissent quand les canalisations gargouillent pour dire tout ce qui a été brimé.

C’est la femme qui arpente les forêts, les ruines et leurs histoires oubliées qui raconte l’amour aujourd’hui. C’est la rivière douloureusement magnifique et vengeresse qui dit un amour d’avant, victime de la main des hommes, jalouse et cupide, qui écrase la joie dans les poitrines et assèche les méandres parce qu’il faut asservir pour ne pas perdre la face.

Mais, ils perdent, les hommes qui croient gagner. Les femmes et leurs amours sont aussi insaisissables que l’eau de la rivière entre leurs méchants doigts. Il faut lutter pour échapper aux muscles et aux tuyaux.

Après le temps du feu, de l’évaporation, voici le chant de la rivière, roman infiniment sensoriel, dans lequel les éléments s’incarnent, beaux et puissants, dans un peau à mots envoûtant.

Un grand coup de cœur pour ce dernier roman de Wendy Delorme. Venez ! On vous en parle (et des précédents également).

Éditions Cambourakis – 16 euros.

Avec toi je ne crains rien, d’Alexandre Duyck

Louise et Joseph se sont aimés au premier regard. Il est cordonnier, elle est maîtresse d’école. Ils forment une famille heureuse dans cette petite vallée des Alpes Suisses où leur bonheur est parfois incompris et jalousé. Ce 15 juillet 1942, Louise, pour la première fois en treize années de mariage, accompagne Joseph jusqu’au chalet, dans la montagne. Elle n’a pas l’habitude mais lui connait le chemin par cœur, tout devait bien se passer et ils laissent leurs quatre enfants pour deux jours. Mais ils ne rentreront pas et leurs enfants devront grandir avec l’incertitude autour de leur disparition et l’éclatement de leur fratrie.

« La vraie disparition, c’est ne pas savoir ce qu’il s’est passé et moi, ça, je l’ai connu, nous l’avons connu et nous avons dû grandir avec ça. Et c’est terrible. »

Un beau récit qui s’empare d’un fait divers pour un faire un beau roman.

« Pour magique qu’elle soit, il faut s’en méfier de la montagne à tout moment, tous les jours et depuis toujours. La montagne est une ogresse, une avaleuse d’enfants, elle se moque des frontières et des lois, elle s’impose, prend ses aises, séduit, elle appelle, elle attire, arrache, tue, ensevelit, écrase. »

Du côté sauvage, de Tiffany McDaniel

Arc et sa jumelle Daffy grandissent dans un quotidien sordide, où elles côtoient misère, cruauté et violence dans un monde de drogue et de prostitution. Mais un quotidien enchanté par la présence bienveillante et fantasque d’une grand-mère qui met de la beauté et de la poésie dans la laideur du monde pour transmuter le réel en féérie.

« Ma grand-mère Middlweek avait l’habitude de dire que dans la vie, il y a un côté sauvage. Mais elle disait aussi qu’on peut le changer en beau côté. »

« Ne te laisse pas abattre par les périodes difficiles. Il faut bien qu’on connaisse quelques-unes des circonstances où la vie nous dit : c’est le moment de pleurer. Si elles n’existaient pas, qu’est-ce qui donnerait de la matière aux poètes ? Je veux que tu te regardes dans le miroir tous les jours et que tu te rappelles que tu as des ailes. »

Dans la lignée de Betty, voici un nouveau texte intense qui nous happe, un texte dur, âpre et violent qui ne nous épargne pas la noirceur du monde et des hommes, mais où brille de magnifiques pépites.

Le Monde est à toi de Martine Delvaux

« On m’a souvent demandé ce que ça fait une mère féministe.

Comment je fais. Avec toi.

Mais je ne fais rien avec toi. Je ne cherche pas à faire de toi quelque chose en particulier. Je ne t’élève pas en tant que féministe. Il n’y a pas de discours, de mots d’ordre, de principes à respecter à tout prix. Il y a des mots que je te lance, et ceux que tu m’envoies en réponse aux miens. C’est dans cet aller-retour où on s’amuse à résister que quelque chose advient, et cette chose n’est rien d’autre que de l’amour.

Je t’aime et je vis avec toi, et ce qui m’importe le plus, c’est que tu existes. Que tu comprennes que tu en as le droit. Que tu saches, au plus profond de toi, que le monde est à toi. Qu’il doit être à toi comme il doit être aux autres. Que tu dois pouvoir y avancer librement. Ce qui veut dire y croire. Ce qui veut dire en faire partie, tout simplement, sans même penser que ça puisse ne pas être le cas. (…) »

Martine Delvaux est l’une des grandes voies du féminisme au Canada. Née en 1968, elle enseigne la littérature à l’université du Québec à Montréal et est autrice de nombreux romans et récits.

Dans cette longue lettre à destination de sa fille adolescente, Élie, Martine Delvaux débroussaille les chemins, semés d’embûches comme de petits privilèges, qui parcourent un monde complexe sans exiger que les pas d’Élie n’emboitent les siens. Les références multiples, de Ariana Grande à Bell Hooks, tissent la toile de fond de ce que cette mère a envie de transmettre à sa fille pour lui donner toute la force nécessaire à avancer dans  » (ce) monde qui ne mérite pas les enfants.« 

Liste de conseils, de recommandations et d’explications pleine de bienveillance et de compréhension envers cet âge de passage et de transition qu’est l’adolescence, ce livre est avant tout une grande déclaration d’amour d’une mère à sa fille.

Nous n’avons pas tous des filles, mais des mères oui ! Lisez ce texte à la voix universelle…

Éditions Les Avrils, 2022 – 17 euros.

La Langue des choses cachées de Cécile Coulon

« (…) Au milieu de cette foule aveugle, titubante, certains comprennent les choses cachées. Ils devinent en silence les grands tremblements du corps, les affaissements soudains du sang, ils possèdent le don, la force. Ils se mêlent aux autres et les soignent, les apaisent, ils ressemblent à des hommes et des femmes mais ils portent en eux des décennies de douleur et de joie, ils connaissent le feu, ils l’ont en eux, ils maîtrisent les flammes. »

La mère connait la langue des choses cachées, elle est celle qui soigne les vivants et accompagne la mort. Ce savoir, le fils en a hérité et cette nuit-là, c’est lui qui prend sa place lorsqu’elle est appelée au chevet d’un enfant mourant.

Mais, Le Fond du Puits, village aussi sombre que le cœur des hommes, recèle bien des secrets… Le fils, confronté à une violence venue du fond des âges et aux stigmates de ce que la mère a noué il y a bien des années, ne peut échapper à son destin ; Il lui faut réparer ce qui a été fait.

Un conte sombre et poétique modelé autour des thèmes de la transmission, de la noirceur de la nature humaine et de la vengeance.

L’Iconoclaste – 17.90 euros

Le Ciel ouvert de Nicolas Mathieu & dessins d’Aline Zalko

Ça pourrait être « L’Amour »de Bégaudeau en version quadragénaire écorché par la vie qui n’a plus le temps de s’asseoir sur la joie.
C’est dit, de page en page, à coups de lattes dans les certitudes et le quotidien.
De caresses données à un être aimé, entre deux claques de réel, à Anatole Latuile, un Buffalo Grill, le premier baiser et l’hôpital témoin du corps du père qui s’effiloche, tout accélère.
L’amour, les amours, les gosses, les parents et le temps qui passe, le sien et celui des autres. Rien de nouveau et pourtant, on chiale, on rit, on se fait du mal, un peu, et beaucoup de bien.
On va en crever de la vie avec sa trajectoire bien fixée qui fait taire les rêves et pourtant on ne renonce vraiment jamais aux grandes paillettes et aux petites embardées.

Un coup de cœur !

Actes Sud – 18.50 euros.

La Bouche pleine de terre de Branimir Sćepanović

Traduit du serbe par Jean Descat

Condamné par un diagnostic médical, un homme décide de rejoindre son Monténégro natal pour y choisir sa mort. Descendu du train au milieu de nulle part, en proie à son propre tumulte et à celui des hommes, il marche.

Une rencontre fortuite avec deux individus qu’il choisit d’éviter marque le début d’un implacable engrenage…

Intrigués par cette réaction, les deux hommes se lancent à sa poursuite bientôt rejoints par d’autres jusqu’à former une horde mue par une haine incontrôlable…

Une traque éperdue, une poursuite en incessant volte face dans laquelle instinct grégaire et fulgurances lucides se disputent place et terrain dans une logique qui échappe à toute logique… Indécis, versatile, complexe, influençable et difficile à suivre, c’est une définition/démonstration sans concession de l’humain.