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Étraves de Sylvain Coher

Le Grand Inondoir a envoyé une partie de l’humanité sur les mers où la loi de la débrouille règne en maîtresse alors que “Culs-terreux” et “Pousse-cailloux”, les pieds solidement ancrés sur ce qu’il reste de terre ferme enchevêtrée aux déchets, gardent jalousement leur lopins au sec et loin de cette vile engeance condamnée à l’errance.

À bord du “Ghost”, “cargo gothique” peuplé d’une quarantaine de crève la faim, Petit Roux s’oppose à l’équipage, refuse de se soumettre et soustrait la dépouille de Câline, sa mère, aux papilles de ses congénères. Il choisit la fuite avec l’espoir chevillé au corps d’atteindre le jardin interdit et de lui donner une sépulture digne.

Récit maritime post moderne aux effluves de fable initiatique atemporelle… Traque et course poursuite sur l’océan dans laquelle le sextant côtoie les restes de panneaux solaires et les polymères à la dérive… Subtil mélange entre “Mad Max”, un bon vieux “Waterworld” et “Pirates des Caraïbes”… Critique tout en relief des conséquences de nos choix de société et des travers de notre humanité… Un cocktail détonnant servi dans une langue aussi précise que gouailleuse… Une pépite atypique et savoureuse pour celles et ceux qui aiment intensément s’en laisser conter… 🙂

Actes Sud – 21.80 euros

Mississippi, Sophie G. Lucas

“1871,

J’ai vu la foule tomber. Et ça fait beaucoup de bruit des corps qui tombent, je sais pas, les tissus, les corps sur d’autres corps, c’est tout autour le bruit, les tirs, les coups, les cris (moi j’étais silencieux, j’arrivais plus à bouger ni à sortir un mot de ma bouche, c’était fermé, bloqué, c’était comme si mon corps il était plus là, comme si j’étais à l’extérieur de mon corps, c’est ça oui, en dehors), mais c’est pas mon corps que je voyais, c’étaient tous les autres, des corps d’hommes, des corps de femmes, explosions, cris, fracas, boum, cris, chocs.”

Presque deux siècles d’une fresque familiale qui sinue dans l’absolue violence de la société et ses inégalités. Un élan romanesque éblouissant, une écriture puissante qui dévale les pages et roule, sans entrave, comme les eaux d’un fleuve…

Ce sera sur les tables de la librairie le 18 août et nous avons grande hâte de vous en parler !

Mississipi, La Contre Allée éditions, 18 euros.

Kramp de Maria José Ferrada

Chili, années 1960.

M, une petite fille, accompagne son père, représentant en quincaillerie pour la marque “Kramp” sur les routes.

De cafétérias en hôtels, de villes en villages, elle dessine, avec son regard candide autant que scrutateur, le portrait d’un Chili à hauteur de ses yeux d’enfants.

Les représentants de commerce et leurs histoires incroyables, son père, D, avec ses chaussures cirées au volant de sa 4L, E, l’ami photographe qui poursuit les fantômes remplacent de plus en plus souvent les apprentissages sur les bancs de l’école.

Une autre vision du monde et un père non pas “inconscient” mais “pionnier de la pédagogie systémique”… Un monde aussi rutilant, pour la petite M, qu’une scie toute neuve qui cache pourtant des fêlures et une réalité politique, sociale et économique bien plus sombre sur laquelle la rencontre avec un “insecte de la destinée” et l’entrée dans l’adolescence l’obligeront à lever le voile.

Un texte bercé de mélancolie, doux et féroce, qui raisonne longtemps une fois la dernière page tournée.