Archives de catégorie : Elodie a lu

Maille à maille, de Simone Righetti

La mémoire de Sarah est comme les tricots qui naissent sous ses doigts : elle essaie de rassembler les mailles et de combler les trous. Elle ignore qui elle était avant d’être arrachée à ses parents aux portes d’Auschwitz, recueillie par un officier SS pour servir de poupée vivante à sa fille handicapée…

Un court récit qui nous emporte dans les pensées contradictoires d’une femme qui s’est construite entre maltraitance et affection pour ses bourreaux qui constituent, malgré tout, sa seule famille.

Impossible, Erri de Luca

En pleine randonnée, un homme en voit un autre chuter au fond d’une ravine. Il prévient les secours et se voit arrêté puis interrogé : les deux hommes se connaissaient et le magistrat est bien déterminé à ne pas croire au hasard. L’homme de loi remonte dans un passé révolutionnaire qu’il n’a pas connu et l’interrogatoire se mue en un dialogue entre deux hommes opposés et deux générations.

Ce nouveau roman nous plonge dans l’immensité de la montagne où les lois ordinaires n’ont pas cours, et dans la complexité d’une histoire pas totalement révolue, avec ses secrets et ses trahisons.

L’autre moitié de soi, de Brit Bennett

Les jumelles Désirée et Stella grandissent inséparables dans une petite bourgade de Mallard, où les noirs tentent de devenir plus blancs à chaque génération. A l’adolescence, elles fuguent. Quelques années plus tard, Désirée revient sans sa sœur et avec une petite fille à la peau d’ébène.

Des années 60 aux années 80, le récit donne la parole aux femmes de cette famille en déroulant leur histoire et les multiples vies de chacune et en abordant les thèmes universels du racisme, de la violence familiale, de la vie domestique ou encore du conservatisme.

Le sanctuaire, de Laurine Roux

Coup de cœur de Pryscilla

Un virus transmis par les oiseaux a mis l’humanité à genoux, une famille trouve refuge dans une cabane isolée dans la montagne et tente d’y survivre dans une nature à la fois rude et généreuse…

Gemma a vu le jour dans le sanctuaire, sans rien connaître du monde tel que nous le parcourons… June, sa sœur et Alexandra, leur mère, regrettent ce passé perdu, dont le moindre détail est magnifié à travers les histoires que racontent cette dernière. Le père, dur et intransigeant, convaincu d’agir pour la survie de « son clan », exige de ses filles obéissance et soumission et leur impose un entraînement véritablement militaire. Mais, cette vie (ou ce qui s’y apparente) de privations et d’interdits, exigée au nom de la sécurité de tous, se fissure peu à peu lorsque Gemma rencontre un vieil homme accompagné d’un aigle majestueux…

Un texte d’une grande force pour une lecture « coup de poing »… le premier roman de Laurine Roux, Une immense sensation de calme, annonçait déjà un réel talent et un univers littéraire singulier. Cette seconde publication confirme pleinement les qualités de cette auteure accomplie…

On pense à Mccarthy, dont une citation ouvre le roman, à Thoreau… et au percutant My absolute darling de Gabriel Tallent… Un vrai grand coup de cœur !

Betty, de Tiffany McDaniel

Dans l’Amérique des années 60, la petite Betty grandit dans une grande famille, entre un père indien et une mère blanche, marquée par une enfance difficile. Ils vivent en marge, pauvres mais riches de ce que la terre leur offre et des histoires du père, qui embellissent la réalité et rendent le monde meilleur en l’emplissant de beauté et de merveilleux.

Un roman puisant qui oscille entre dureté et poésie, porté par la voix d’une enfant hantée par la violence du monde et portée par la force ancestrale des femmes cherokee. Une héroïne qui puise sa force dans les mots et l’écriture face à la perte de son innocence, qui l’arrache brutalement à l’enfance.

Non seulement papa avait besoin que l’on croit à ses histoires, mais nous avions tout autant besoin d’y croire aussi… Nous nous raccrochions comme des forcenées à l’espoir que la vie ne se limitait pas à la simple réalité autour de nous. Alors seulement pouvions-nous prétendre à une destinée autre que celle à laquelle nous nous sentions condamnées.

La fille du chasse-neige, de Fabrice Capizzano

Tom vit en décalage, avec son hypersensibilité qui lui permet de lire la nature des gens et nourrit avec brillance sa musique ; une fragilité transcodée en chants, en interprétation unique, de couleur à sons, de lumière à bruit. Il est entouré d’un patchwork de personnages entiers et attachants avec, au centre, Marie, la fille du chasse neige, l’apicultrice, et leur amour fort, lumineux, dévastateur.

Un premier roman frais et lumineux, enrobé de nature et d’amour, de couleurs et de musique, plein de vie, de ses beautés comme de sa violence.

Ce qu’il faut de nuit, de Laurent Petitmangin

Il a élevé ses fils comme il a pu, seul, mais avec tout l’amour et l’attention qu’il pouvait leur donner. Ils grandissent, tracent leur chemin, avec leurs convictions qui leur ont fait prendre des chemins différents. Rester présent, malgré les liens qui vacillent et l’incompréhension. Et la vie qui les malmène.

Un premier roman fort et sensible, qui vous emporte. “Je pense que ça a été une belle vie. Les autres diront une vie de merde, une vie de drame et de douleur, moi je dis, une belle vie.

Apprendre, si par bonheur, de Becky Chambers

Quatre astronautes sont en route dans l’espace pour explorer des planètes susceptibles d’abriter la vie. Au delà de la joie de la découverte, de la curiosité et de la fascinations pour ces formes de vies nouvelles se posent des questions éthiques : malgré toute leur bienveillance, l’exploration est forcément intrusive.

Un court roman SF atypique, profondément bienveillant, qui se veut réaliste et soulève de grandes questions.

Voici ce que nous voulons que vous vous demandiez : c’est quoi l’espace, pour vous ? Un terrain de jeu ? Une mine ? Qui doit y aller et dans quel but ? Devons-nous seulement y aller ?… Nous n’avons rien trouvé que vous pourrez vendre. Nous n’avons rien trouvé d’utile. Nous n’avons trouvé aucune planète qu’on puisse coloniser facilement ou sans dilemme moral, si c’est un but important. Nous n’avons rien satisfait que de la curiosité, rien gagné que du savoir.

Nickel Boys, de Colson Whitehead

La Nickel Academy est école disciplinaire destinée à “remettre les jeunes délinquants sur le droit chemin et les faire devenir des hommes honnêtes et honorables.” A la fermeture de l’école, des archéologues exhument des corps non déclarés, meurtris. Et Elwood se souvient de l’erreur judiciaire qui l’a conduit là-bas, des années plus tôt, bien loin de la réalité affichée : “l’école vous brisait, vous déformait, vous rendait inapte à une vie normale.”

Un roman basé sur une triste réalité, qui nous plonge dans les horreurs de la Floride ségrégationniste des années 60.

L’intimité, d’Alice Ferney

Une libraire féministe, célibataire par conviction, qui a décidé de longue date qu’elle ne serait pas mère ; un père architecte qui cherche une nouvelle compagne ; une enseignante fière de son indépendance qui s’est inscrite sur un site de rencontres. A travers leurs aspirations, leurs craintes, leurs choix, l’auteur illustre les différentes manières de former un couple, d’être un parent, de donner (ou non) la vie.

Entre dialogue philosophique et comédie de mœurs contemporaine, le récit ausculte une société qui repousse les limites de la nature et interroge celles de l’éthique pour satisfaire au bonheur individuel et familial.