Archives de catégorie : ♥ Vos libraires ont lu ♥

Ce qui reste des hommes, Vénus Khoury-Ghata

« L’homme parti, on prend un chat.
Argument irréfutable. »

Diane et Hélène, sont deux femmes d’âge mûr comme on dit, veuves, confortablement installées dans la vie, et d’une liberté qui se fiche pas mal des convenances. Elles sont amies, se livrent l’une à l’autre sans tabou et les hommes, vivants et morts, qui ont traversé leur vie peuvent aujourd’hui encore s’accrocher aux branches.

Alors que la première balaie son passé amoureux, ouvertement sulfureux, pour trouver le bon candidat encore en vie pour lui proposer une place dans le caveau qu’elle vient d’acheter, la seconde retrouve une deuxième jeunesse auprès des squatteurs qui occupent sa riche propriété de bord de mer…

Irrévérencieuses et attachantes, ces deux femmes hors norme et tumultueusement vivantes sont un rayon de soleil entre les pages de ce roman vivifiant !

Un vrai coup de cœur.

Marie-Lou-le-monde, de Marie Testu

« Tout commence et
Tout finit toujours par
Marie-Lou »

Marie-Lou entre dans sa vie avec fracas. Solaire et lumineuse. C’est un coup de foudre, un amour adolescent puissant et sans restriction, gravé au plus profond du cœur et du corps de la narratrice. Elles sont libres, insouciantes. L’été est là, la fin de l’année approche. Après, plus rien ne sera pareil.

Un poème-chant d’amour passionnel, puissant, incandescent, vertigineux. Une seule phrase qui se déroule comme une vague qui emporte tout sur son passage.

Poétique, superbe et fantastiquement vivant…

« J’imagine l’avenir avec Marie-Lou
C’est un saut dans le vide
C’est un feu dans les paumes
Et je préfère ça
Pour l’instant à n’importe quoi
Car je n’imagine pas la mort
Avec Marie-Lou rien ne peut
Faillir« 

Ces orages-là, de Sandrine Collette

« Elle a beau être partie, avoir coupé tous les ponts, elle a beau avoir un regard neuf – effrayé, horrifié, écœuré – sur ce qu’a été leur histoire, elle est en permanence au bord de revenir. Cela ne la quitte pas. Il y a des moments où tout lui paraît préférable à l’insupportable transparence, à la solitude et à la tristesse. Aux autres moments, elle s’épouvante elle même, sa fragilité, sa lâcheté, elle ferait n’importe quoi et personne ne peut la retenir. Au fond, il faudrait quelque chose de total : que l’un d’eux disparaisse. Aucun retour possible. Aucune hésitation, aucune tentation insensée de retourner s’empêtrer dans des filets trop serrés.« 

Un roman qui tient en haleine, nous plonge dans la complexité et l’horreur d’une femme qui ose mettre fin a une relation toxique, et lutte pour s’en libérer.

Saga, de Brian K. Vaughan et Fiona Staples

La guerre ancestrale qui déchire luniens et continentaux s’est étendu au reste de l’univers. Dans ce conflit entre deux peuples que tout oppose, Alana et Marko vont s’aimer, au mépris de tous les préjugés, et concevoir un enfant. Un être innocent, symbole d’union et porteur d’espoir, qu’aucun des camps ne peut permettre, qui remettrait en question les fondements même du conflit.
Le couple, pris en chasse, doit fuir, toujours plus loin, pour échapper à leurs poursuivants et donner une chance à leur fille d’avoir le droit de vivre.

Un space opera entrainant, dans un univers riche et étendu, qui s’étoffe au fil des tomes de personnages complexes et attachants, avec une intrigue pleine de rebondissements.

A la vie ! et Je serai là ! par l’Homme Etoilé

L’homme étoilé est infirmier en soins palliatifs et accompagne les personnes en fin de vie. Dans ce roman graphique, il nous offre des petits instants de vie, bulles d’amour, de rire, d’émotions, de musiques ou de tendresse. Des échanges qui soutiennent autant le patient que le soignant, pour les aider à profiter des derniers instants de la vie, les rendre plus légers.
« Ils me confortaient dans l’idée que je pouvais faire du bien autrement que par la simple administration d’un médicament. »

Un récit profondément humain qui parle de partage et de soutien, des « instants en dehors du temps et de la maladie qui offrent des parenthèses de légèreté et d’insouciance dans des moments particulièrement difficiles. »


L’homme étoilée revient dans un nouveau roman graphique où il nous raconte ses débuts en tant qu’infirmier. Dans des lieux impudiques qui réduisent les personnes à une série de symptômes, il comprend qu’il ne faut pas limiter les patients à cette vie de souffrance et apprend à leur parler de milles choses, pourvue que chacune d’elles les éloigne un moment de la maladie.

« On ne peut promettre une fin parfaite à tout le monde même si on a le devoir de s’en donner les moyens… Je peux garantir une main tendue, une oreille attentive, un regard compatissant et tendre. »
« Mon rôle, ce n’est pas de les empêcher de partir mais de veiller à ce qu’ils partent bien… et à aimer la vie, pour mieux la diffuser dans chaque chambre chaque jour.« 

L’ami de Tiffany Tavernier

Critique de Pryscilla

Quand votre voisin s’avère être encore moins fréquentable que Sergi Lopez dans « Harry, un ami qui vous veut du bien »…

Lisa et Thierry forment un couple sans histoire et vivent dans une maison isolée dans la forêt à une dizaine de kilomètres du village le plus proche. Leurs seuls voisins, Chantal et Guy, sont devenus au fil des années, leurs amis. Des services rendus, des épreuves de vie traversées ensemble, des passions communes (l’entomologie pour les deux hommes) viennent combler les vides laissés par le départ du fils d’un côté et l’absence d’enfant de l’autre.

Lorsque un matin, Lisa et Thierry se retrouvent face aux hommes du GIGN venus prendre d’assaut la maison d’en face et ses occupants, c’est l’incompréhension la plus totale. Puis, vient la douche froide de l’explication sans appel et le début d’une longue descente aux enfers…

Pourquoi n’ont-ils rien vu ? Comment ont-ils pu ne rien voir ?

Harcelés par la presse, les questions de leur entourage et leur propre culpabilité, comment peuvent-ils continuer leur vie face à l’intolérable vérité ?

Tiffany Tavernier souligne l’inquiétante possibilité de ne jamais pouvoir complètement connaître l’autre et interroge cette zone de sentiments ambiguës entre l’amour et la haine, la colère et le sentiment de trahison.

Un roman bien mené malgré une fin assez peu compréhensible sur la question du pardon de soi et de l’autre qui prend ici des voies un peu trop détournées pour satisfaire pleinement le lecteur.

Brèves de solitude de Sylvie Germain

Coup de coeur de Pryscilla

2020, les rumeurs d’une crise sanitaire en toile de fond et une galerie de personnages dans un square. Un lieu où tous sont anonymes comme seul « motif » de ces identités qui se croisent sans réellement se rencontrer, fidèle représentation de nos modes de vie actuels. Frappés collectivement par le confinement (premier épisode), l’isolement de chacun, avec pour tous, la même nuit de pleine lune à contempler.

On interroge ingénieusement la question de la solitude dans notre société contemporaine : seul dans la foule ou avec soi entre quatre murs, on cherche et analyse les différences, libre au lecteur d’en tirer ses propres conclusions.

Chaque personnalité rencontrée est passée au crible, méticuleusement épluchée dans ses travers, ses manies, ses doutes et son humanité. Un exercice de style qui pourrait facilement basculer dans la caricature et qui sous la plume de Sylvie Germain tend à l’universalité. Chacun des personnages (une cruciverbiste presque aigrie, un fils dont la mère est en EPAD, une étudiante, un SDF… etc.) est à la fois seulement lui-même et le fidèle représentant de ses semblables.

Vous vous retrouverez, vous retrouverez votre père, voisin, ami dans ces pages. Vous retrouverez chaque portrait brossé par les médias, individu solidement cramponné à son individualité et incapable pourtant d’échapper à la machine générale.

Un excellent roman, définitivement vacciné contre le traitement nombriliste du coronavirus plutôt de rigueur sous la plume de nombreux auteurs depuis le début de l’épidémie.

Encabannée, de Gabrielle Fliteau-Chiba

Lecture de Pryscilla

« Liste n°115
Mes trois souhaits au génie de la lampe :
– Des bûches qui brûlent jusqu’à l’aube  ;
– Une robe de nuit en peau d’ours polaire ;
– Robin des bois qui cogne à ma porte. 
»

Perdue dans une vie citadine et superficielle, Anouk vend l’appartement qu’elle occupe dans le centre de Montréal pour s’installer dans une cabane au Kamouraska dans le Bas-Saint-Laurent, au Québec.

Bercée par les mots des auteurs qui ont marqué son parcours, émerveillée par la beauté rude de la nature, grisée par la fumée de l’herbe et troublée par une histoire d’amour intense et fugace, le récit d’une « évasion sociétale » pleinement vécue… dans les bonheurs comme dans les peines.

Un hymne à l’écologie et l’amour des grands espaces (petit clin d’œil à Thoreau) et un regard lucide sur ce que chacun est réellement prêt à abandonner pour vivre en accord avec ses convictions…

L’enfant de la prochaine aurore, de Louise Erdrich

Lecture de Pryscilla

Les Etats-Unis, Minnesota.

Cedar Hawk Songmaker, jeune femme enceinte d’origine Ojibwé adoptée par un couple de « blancs » bien pensants, renoue avec ses « parents biologiques » en quête d’information sur son patrimoine génétique. Protéger celui ou celle, et qu’importe sa nature, qu’elle porte dans son ventre deviendra son seul moteur dans un monde bouleversé par les plans incoercibles d’une nature revancharde (et on peut la comprendre !) à l’égard de l’espèce humaine.

Une fin du monde dénuée de catastrophe nucléaire, virus meurtrier, guerre, zombies et autres codes des dystopies « traditionnelles » et pourtant, l’extinction de l’humanité que nous dépeint Louise Erdrich dans ce roman n’en reste pas moins glaçante.

Et si demain c’est le principe même de la reproduction qui était remis en question ? Si le corps des femmes ne pouvaient plus donner naissance à une prochaine génération porteuse d’avenir mais à une forme régressive de l’humain ? Qu’adviendrait-il ? Traquées, enfermées pour leurs utérus et « ceux » qu’ils contiennent, les femmes ne sont plus l’avenir de l’homme… Imbue d’elle-même, infatigable et jalouse détentrice de la plus haute marche du podium du vivant, l’humanité, toujours prête à en découdre, hésiterait-elle à basculer dans l’inconcevable pour sauver sa peau ?

Un roman noir, implacable, à ne pas réserver qu’aux seuls amateurs d’anticipation au sens large.

Les références à l’immense « Servante écarlate » de Atwood, évidente sur la thématique et à l’inaltérable modernité de « 1984 » de Orwell, dans le portrait d’un pouvoir despotique emprunt de religion, restent cependant à modérer (avis personnel…) sans rien retirer à la qualité du texte de Louise Erdrich.