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“Le chant de la rivière” de Wendy Delorme

Des bouts de laine dans les ronces, des baignades dans un bassin de pierre rapiécé et des poèmes qui racontent l’amour d’un feu dont les matières inflammables peuvent éclairer sans brûler. Deux histoires d’amour qui se mêlent et se répondent, avec un ventre qui palpite de ses secrets cachés dans une bâtisse abandonnée, des boîtes et des albums photos qui surgissent quand les canalisations gargouillent pour dire tout ce qui a été brimé.

C’est la femme qui arpente les forêts, les ruines et leurs histoires oubliées qui raconte l’amour aujourd’hui. C’est la rivière douloureusement magnifique et vengeresse qui dit un amour d’avant, victime de la main des hommes, jalouse et cupide, qui écrase la joie dans les poitrines et assèche les méandres parce qu’il faut asservir pour ne pas perdre la face.

Mais, ils perdent, les hommes qui croient gagner. Les femmes et leurs amours sont aussi insaisissables que l’eau de la rivière entre leurs méchants doigts. Il faut lutter pour échapper aux muscles et aux tuyaux.

Après le temps du feu, de l’évaporation, voici le chant de la rivière, roman infiniment sensoriel, dans lequel les éléments s’incarnent, beaux et puissants, dans un peau à mots envoûtant.

Un grand coup de cœur pour ce dernier roman de Wendy Delorme. Venez ! On vous en parle (et des précédents également).

Éditions Cambourakis – 16 euros.

Avec toi je ne crains rien, d’Alexandre Duyck

Louise et Joseph se sont aimés au premier regard. Il est cordonnier, elle est maîtresse d’école. Ils forment une famille heureuse dans cette petite vallée des Alpes Suisses où leur bonheur est parfois incompris et jalousé. Ce 15 juillet 1942, Louise, pour la première fois en treize années de mariage, accompagne Joseph jusqu’au chalet, dans la montagne. Elle n’a pas l’habitude mais lui connait le chemin par cœur, tout devait bien se passer et ils laissent leurs quatre enfants pour deux jours. Mais ils ne rentreront pas et leurs enfants devront grandir avec l’incertitude autour de leur disparition et l’éclatement de leur fratrie.

« La vraie disparition, c’est ne pas savoir ce qu’il s’est passé et moi, ça, je l’ai connu, nous l’avons connu et nous avons dû grandir avec ça. Et c’est terrible. »

Un beau récit qui s’empare d’un fait divers pour un faire un beau roman.

« Pour magique qu’elle soit, il faut s’en méfier de la montagne à tout moment, tous les jours et depuis toujours. La montagne est une ogresse, une avaleuse d’enfants, elle se moque des frontières et des lois, elle s’impose, prend ses aises, séduit, elle appelle, elle attire, arrache, tue, ensevelit, écrase. »

Du côté sauvage, de Tiffany McDaniel

Arc et sa jumelle Daffy grandissent dans un quotidien sordide, où elles côtoient misère, cruauté et violence dans un monde de drogue et de prostitution. Mais un quotidien enchanté par la présence bienveillante et fantasque d’une grand-mère qui met de la beauté et de la poésie dans la laideur du monde pour transmuter le réel en féérie.

« Ma grand-mère Middlweek avait l’habitude de dire que dans la vie, il y a un côté sauvage. Mais elle disait aussi qu’on peut le changer en beau côté. »

« Ne te laisse pas abattre par les périodes difficiles. Il faut bien qu’on connaisse quelques-unes des circonstances où la vie nous dit : c’est le moment de pleurer. Si elles n’existaient pas, qu’est-ce qui donnerait de la matière aux poètes ? Je veux que tu te regardes dans le miroir tous les jours et que tu te rappelles que tu as des ailes. »

Dans la lignée de Betty, voici un nouveau texte intense qui nous happe, un texte dur, âpre et violent qui ne nous épargne pas la noirceur du monde et des hommes, mais où brille de magnifiques pépites.