Cher connard de Virginie Despentes

Cher connard,

J’ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m’aurait chié sur l’épaule en passant. C’est salissant, et très désagréable. Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n’intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu’on me remarque. Gloire aux réseaux sociaux : tu l’as eu, ton quart d’heure de gloire. La preuve : je t’écris.

Un roman épistolaire qui dévoile les échanges entre Rébecca, actrice vieillissante qui n’a aucun problème avec le fait de dire qu’elle a fait carrière sur son physique, son caractère rebelle et une solide affection pour la drogue et la fête, et Oscar, auteur trentenaire en plein ascension, alcoolique, et qui prend dans la gueule ses agissements de moyennement connard à l’égard de Zoé, son attachée de presse, au moment de la libération de la parole des femmes avec le #MeToo. Entre leurs écrits, la voix de Zoé, elle-même aux prises avec les extrémistes de tous bords depuis qu’elle a fait le choix de dénoncer le fringant auteur de polars.

Des échanges prétextes à passer au crible de nombreux thèmes qui agitent, à juste titre, notre société. De celles tristement qualifiées d’ordinaires aux plus meurtrières violences faites aux femmes (qu’elles soient présentées comme consenties à travers le personnage de Rebecca qui se sait exploiter pour son corps, à celles exprimées par Zoé victime du gros lourd de service qui ne comprend pas que sa position de mâle dominant ne l’autorise pas à forcer la main aux femmes), à l’addiction et ses mécanismes (sujet de fond du roman), aux réflexions sur le capitalisme, l’écologie, aux conséquences des années Covid sur nos psychés et nos manières de vivre et on en passe. Qu’on acquiesce ou pas, le reflet du monde que nous avons construit est plutôt exhaustif.

Est-ce que le propos est novateur (reproche numéro un) et porté par une plume digne des plus grands noms de la littérature (reproche numéro deux) ? Comment dire ?… Il y a des sujets qui nécessitent qu’on continue à enfoncer le clou et il y en a beaucoup dans ces pages. On comprend très bien ce que Despentes a à dire et balancer joyeusement sur la forme n’est pas vraiment le débat. Mieux, On a aimé ce choix de l’épistolaire qui rythme le livre dans ce va et vient permanent entre les personnages, on a souri beaucoup et trouvé que pas mal de petites remarques et réflexions étaient plutôt punchy et franchement bien posées.

BREF ! Vous l’attendiez toutes et tous, la lecture du dernier Despentes par vos libraires préférées parce que quand même, s’il y a un point sur lequel nous pouvons être d’accord, c’est que les avis positifs ou négatifs font cruellement défaut sur ce roman en cette période de rentrée littéraire 🙂. Ça semble même risqué pour les libraires de dire qu’on ne jette pas ce livre directement au feu si on ne veut pas être accusées de promouvoir une littérature qualifiée de trop commerciale, tout autant que de le réduire à une « pauvre daube » en s’attirant les foudres d’une autre partie du lectorat…

Mais, oh miracle ! comme dans pas mal de domaines, il existe un entre deux, un truc pas mal qu’on appelle la nuance. Et c’est pas mal, la nuance, à l’heure où certaines et certains pourtant du même bord se tirent joyeusement dans les pattes en se reprochant d’être trop ou pas assez. C’est un peu ce qui ressort de cette lecture, nombreuses et nombreux d’entre nous ont été à un moment de leur vie/sont des moyennement connasses et connards, doit-on toutes et tous être pendus.es illico sans aucune perspective de « rédemption » ? Peut-être pas… De l’écoute et du respect de l’autre, des échanges de paroles et d’idées, chacune et chacun, personnages de ce roman et nous toutes et tous, sortons changés.ées, forts et fortes de nouvelles façons de penser et d’agir (mieux, c’est l’idée !).

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