(…) On a eu beau tout mettre en œuvre pour faire disparaître la mère, pour qu’on l’oublie, il faut se rendre à l’évidence : toute tentative de la cacher produit l’effet inverse. C’est parce qu’on la cache qu’elle devient visible. Présence fantomatique préoccupante, on ne peut plus l’ignorer.
Comment écrire une histoire à partir de rien ? A partir de ce qui n’a pas été dit, écrit ou figé sur une photographie ?
La jeune femme qui sourit, le regard détourné de l’objectif, dans sa robe de mariée s’appelle Thérèse Larin, épouse Lefebvre. Elle est la grand-mère paternelle de l’autrice, mariée à Roger et mère de trois enfants, disparue avant d’avoir célébré ses 30 ans, et c’est tout.
Enfin, c’est ce qu’a laissé filtrer l’histoire familiale jusqu’à ce qu’Alexandra, sa petite-fille, s’en empare. Elle rassemble patiemment et minutieusement les témoignages de celles et ceux qui l’ont connue, une poignée d’archives épargnée par la destruction et quelques clichés sauvés de l’oubli dans une boîte en carton. Le reste est effacé, un soin méthodique a été apporté à faire disparaître tout ce qui aurait pu subsister d’elle.
Véritable enquête au cœur d’une famille dans les années 1950 et 1960 au Québec, le récit d’Alexandra Boilard-Lefebvre frappe par sa pudeur. Il semble difficile, pour l’autrice, de recueillir une parole qui, bien des années après, aurait pu s’émanciper des carcans de l’époque, celles et ceux qui sont encore en vie et ont connu Thérèse, peinent à poser des mots sur les maux…
Obstinée, Alexandra avance dans l’obscurité et les non-dits, au milieu de ce qui reste en suspens dans les silences et dessine, dans les creux, le portrait de Thérèse, sa grand-mère. Une jeune femme aux ambitions brisées par une existence dont elle ne parvenait pas à ressentir (la) mystérieuse plénitude qui aurait dû la posséder tandis qu’elle encaustiquait le carrelage de la cuisine…
Venez, on vous en parle ! Ou encore mieux, on en parle avec l’autrice et son éditrice que nous avons la joie de recevoir vendredi 16 mai à 18h30 à la librairie.
