La force d’un pion : le sacrifice communautaire pour saper la structure adversaire.
Stockholm, 1962. La partie d’échecs qui oppose Arturo Pomar à Bobby Fischer. Sur l’épaule de l’enfant prodige espagnol la main de fer du Caudillo et dans l’attitude de l’américain toute la morgue affichée par les États-Unis dans cette période de guerre froide. Si les deux hommes face à face, simples pions entre les mains des puissants s’affrontent sur l’échiquier, la technique et la stratégie importent moins que la portée symbolique de leur duel, puissant reflet de deux visions du monde qui s’entrechoquent.
(…) Que sont les échecs ? Réponse de Boris Spassky : Les échecs, c’est comme la vie. Réponse de Bobby Fischer : Les échecs, c’est la vie.
Une fiction en 77 mouvements comme autant de coups qui ont jalonné cette partie. Aux portraits des grands noms des échecs se mêlent ceux des femmes et des hommes sacrifiés sur l’autel des enjeux géopolitiques de la seconde moitié du 20ème siècle. Communistes, maquisards, ouvriers, socialistes, membres de l’ETA, chrétiens, républicains, étudiants, phalangistes, Afro-américains, pacifistes, indigènes, militants antinucléaires, gauchistes ou militaires dénués de libre arbitre, celles et ceux dont l’histoire a retenu le nom et les nombreuses et nombreux oubliés, toutes et tous instrumentalisés aux fins très personnelles des grands de ce monde et jouets malgré eux de la force de leur engagement.
La liberté du pion, blanc ou noir, se heurte toujours aux limites des 64 cases de l’échiquier…
Journaliste et éditeur, Paco Cerdà est l’auteur d’un précédent ouvrage en 2017, Los ultimos traduit en France sous le titre Les Quichottes également aux éditions de la Contre Allée.