Archives de catégorie : Pryscilla a lu

Les papillons, de Barcella

Alexandrin, doux rêveur, désenchante lorsqu’il prend conscience que ses papillons ont disparu.
« Je les savais ici depuis ma tendre enfance, fidèles et valeureux. Les papillons n’étaient plus là ! Ils avaient déserté mon ventre. »
Ces petits frémissements qui palpitaient au creux du ventre ont laissé place au vide. Il faut les retrouver, réapprendre à aimer. C’est alors qu’arrive Marie…
« Comme descendue des cimes où résident les étoiles, telle une épiphanie. Elle s’appelait Marie. C’est l’anagramme d’aimer. Je l’ignorais alors. Je le sais à présent.« 

Un roman lumineux et enjoué, doux et léger comme une aile de papillon, à la poésie qui fond comme un bonbon sous la langue.

Les printemps sauvages de Douna loup

Olo, une enfant solitaire dans une nature bienveillante et une mère en repli dans des souvenirs douloureux. La quête commune du frère inconnu pour l’une et fils perdu pour l’autre les conduira à quitter les abords de leur mare et à prendre la route. Débutent quatre années d’une vie nomade, de nuits dans les bois à celles dans une cabane construite de leurs mains, de travail au grand air dans les champs aux boulots alimentaires à l’usine, de la verdure confortable de la forêt à la grisaille des villes…

Apprentissage des savoirs et des gestes au gré des lieux et des rencontres, croissance et puberté avec un corps à apprivoiser, les étapes de la vie de Olo s’enchainent dans un rapport omniprésent et profondément respectueux à la nature. Au terme de cette errance fondatrice, Olo devenue femme prend un premier envol et découvre l’amour dans les bras de Barnabée…

La rencontre avec un groupe d’activistes pacifistes et volontaires, prêts à inventer une vie pour « habiter » la terre sans l’abimer, le retour de son frère anarchiste dans sa vie, seront parmi les multiples sources venues nourrir et dessiner la philosophie de vie à laquelle Olo va aspirer…

« Je marche sur les sentes sauvages du monde et je remercie la nature qui est l’image de cette coexistence simple et tranquille de tout, qui est la luxuriante variété des espèces, la toute acceptante, la terre ne refuse pas à un chardon là où l’homme refuse sa colère, ses pensées ou ses sensations.« 

Un roman magnifique… Un texte « manifeste » inspirant un infini respect pour le vivant sous toutes ses formes…Une presque certitude en refermant le livre : l’ensauvagement pourrait être l’étape ultime de l’humanité…

La faim de leur monde de Akhenaton

« Je suis fatigué de chanter les mêmes problèmes, trente ans ! »

2006… « La fin de leur monde », les voix engagées de Akhenaton et Shurik’n résonnaient déjà à nos oreilles pour dénoncer un monde en pleine décomposition.
Est ce qu’on a vraiment cru qu’on irait vers le mieux ?… ou n’étions-nous « intellectuellement » pas prêts à envisager que ça pourrait être pire ?
L’espoir semblait encore permis : le, « ça ne peut qu’aller mieux. » qui achevait le morceau laissait entrevoir une possible prise de conscience…
Triste constat, 15 ans après…
« La faim de leur monde » est l’expression du combat qui continue et s’intensifie, malgré cette lassitude qui s’installe face à l’immobilisme et l’indifférence.
La plume toujours acérée de Akhenaton « ne lâche pas le morceau », dénonce et alerte toujours et encore.
Le texte, dans la fantastique collection L’Iconopop, sera disponible dès demain dans votre librairie. Et la version musicale est à écouter en scannant le code fourni avec le livre !
AKHENATON

https://www.facebook.com/watch/?v=784862552455574

Maison-tanière de pauline delabroy-allard

« Je ne réponds plus à personne
Dans la maison tanière aphone
La solitude la retraite le recueillement
J’essaye de faire ça bien
Mais je monte le son
Quand je pense à toi »

De la naissance de son premier roman au nécessaire ressourcement après la publication de « Ça raconte Sarah », Pauline Dlbroy-Allard nous ouvre sa maison tanière et les « rituels » qui ont été les siens dans ces deux moments de vie.
Visite guidée poétique et photographique de ses sources d’inspiration et de ses souvenirs, on se balade entre vinyls et vieux plafonds dans un texte intime et intimiste.
En refermant ses pages, effets secondaires constatés : une profonde envie de se poser à notre tour dans une tanière bien à nous.
L’Iconopop

Décomposée de clémentine Beauvais

« Décomposée » de Clémentine Beauvais, objet littéraire non identifié et absolument génial.
Un roman au ton aussi libre que les vers qui le composent et qui revisite sans complexe le texte « une charogne » de Baudelaire…
Ou comment la fascination morbide et voyeuriste du poète pour un cadavre en décomposition rencontré alors qu’il se promenait avec sa muse, Jeanne Duval, à donné naissance à un poème aujourd’hui connu de tous.
La plume de Clémentine Beauvais redonne vie à Grâce, « la charogne », femme aux multiples facettes… prostituée, couturière, chirurgienne, faiseuse d’anges et ange vengeur de celles, nombreuses et sans voix, qui ont été à son image malmenées par les hommes.
Les voix de Jeanne, muse rebelle, et celle de Grâce se répondent, se racontent, entre déchéance et émancipation, et égratignent très justement le « grand poète » et les hommes en général…

Un texte engagé, féministe et jubilatoire publié chez L’Iconopop

Anaïs Nin, sur la mer des mensonges de leonie bischoff

Anaïs Nin est née en France de parents d’origine cubaine, « déracinée » après leur séparation en 1914, elle vit auprès de sa mère et ses frères et sœurs à New-York. Elle se marie au début des années 1920 avec Hugh Parker Guiler, jeune et prometteur banquier, et revient s’installer en banlieue parisienne à ses côtés. C’est là qu’elle fera la connaissance de Henry Miller…

Le parcours d’émancipation d’une femme hors du commun pour son époque et le milieu social auquel elle appartient. Jeune fille « de bonne éducation », Anaïs sent le manque et les limites qui la cloisonnent dans un personnage qui ne lui permet pas d’exprimer les différents aspects d’une personnalité complexe et profondément sensuelle.

Indissociable du « Journal » auquel elle s’astreint quotidiennement, sorte de miroir libérateur et sublimant de celle qu’elle aspire à être, elle s’ennuie et s’enlise pourtant dans un rôle d’épouse.

« Si je ne me crée pas un monde par moi-même et pour moi-même, je mourrai étouffée par celui que d’autres définissent pour moi. »

Sa rencontre avec Henry Miller agit comme une naissance à elle-même et libère à la fois la femme et l’auteur que nous connaissons aujourd’hui.

Des amants, des maîtresses, une sexualité sulfureusement épanouie, l’inceste, la danse, l’expérience de la psychanalyse et l’écriture, toujours l’écriture jalonnent ce portrait d’une femme libre, indifférente aux tabous et tumultueusement inspirante…

« Je peux maintenant aimer un homme comme un égal. Comme un amant et un créateur. Et je choisis d’être moi aussi le créateur.

Je ne serai jamais parfaite.

Je ne serai jamais une seule femme, ou l’amante d’un seul homme.

Je vais vivre ces multiples vies, explorer les milles facettes de mon être, et vivre avec passion, de toutes mes forces. »

Le dessin de Léonie Bischoff semble cousu sur mesure tant il est difficile en refermant ce roman graphique de ne pas imaginer la véritable Anaïs Nin telle qu’elle apparaît dans ses pages. Son coup de crayon sublime l’imagerie et les couleurs des années 1930, et l’érotisme et la sensualité qui se dégagent de ses planches sont d’une beauté lumineuse.

Un immense coup de cœur…

https://www.franceinter.fr/emissions/une-journee-particuliere/une-journee-particuliere-11-octobre-2020

Le coeur pur du barbare de Thomas vinau

« Flash info

Hier

est devenu

aujourd’hui

aux dernières nouvelles

l’opération serait

concluante »

Thomas Vinau qu’on ne vous ne présente plus… auteur à la hauteur du minuscule et du peu. Magicien d’une poésie simple et douce qui tricote avec l’instant, il transforme les petits riens et les questions de ceux qui doutent, en bribes scintillantes… À la manière d’un Pierre Sansot (« Les gens de peu »), il met en lumière avec douceur et bienveillance les moments qui échappent à la performance et au matériel.

Chaque moment de lecture est comme un bol de chocolat chaud devant une cheminée quand il neige, une lumière qui sublime le quotidien et nous ramène à l’essentiel.

Et bien, nous on dit, ENCORE !

De la poésie, qui a en partie commencé son chemin aux éditions Gros textes et Le Pédalo Ivre ainsi qu’un ensemble de textes inédits, compose cet ouvrage qui inaugure la collection Poche Poésie aux éditions du Castor Astral.

Dans la même collection, « Les Ronces » de Cécile Coulon, , une autre pépite poétique à découvrir ou à redécouvrir…

« À travers le pare-brise

On prendrait la voiture

on irait n’importe où

en chantant fort et faux

les chansons de la radio

on verrait l’horizon

à travers le pare-brise

pendant que le soleil

me donnerait des coups

entre le coude et le poignet

tu aurais les pieds nus

tu boirais à la bouteille

et une goutte coulerait

sur ta joue »

Le Démon de la colline aux loups de Dimitri rouchon-borie

« (…) c’est pas parce qu’on a mis un pont au-dessus du ravin qu’on a bouché le vide. »

La Colline aux Loups ou la maison de l’horreur. C’est entre ses murs que débute le récit d’un garçon qui ne connaît pas son nom, qui deviendra Duke, qui deviendra un homme qui raconte sa lutte incessante contre « le démon ».

« La Colline aux Loups c’était déjà une prison bien pire que tout imaginez-vous sous l’eau depuis le jour de votre naissance en attendant une bouffée d’air qui ne vient pas ma vie c’est ça. »

Arraché au « nid » (seule bulle de douceur qu’il n’ait jamais connue) par la justice chargée de le protéger lui et ses frères et sœurs « des punitions » infligées par des parents toxiques et maltraitants, doux euphémisme, Duke, enfant déjà détruit, entame un parcours compromis avant même d’avoir débuté. La violence comme seule réponse face à celle subit le plonge dans un engrenage sans échappatoire et chacun de ses choix, déterminé par un passé insurmontable, l’enlise toujours plus loin de toute forme de salut. Qu’en est-il alors de la compassion de ceux qui regardent et jugent ?

Quête impossible, « la rédemption », à laquelle il lui est néanmoins inconcevable de renoncer pour pouvoir enfin éradiquer « le démon » et briser la boucle.

« Il faut comprendre que c’est trop dur de demander à un enfant qui a enduré d’avoir en plus la force de faire les bons choix c’est comme si vous demandiez à l’éclopé de marcher mieux que les autres. »

C’est derrière les barreaux d’une prison, celle des hommes mais sans doute aussi celle de sa propre vie, que Duke, face à la mort et avec son propre « parlement », livre son histoire et interroge la question du bien et du mal « à l’ombre » de sa capuche et des textes de Saint Augustin.

Une claque ! Tant le terme de « coup de coeur » semble peu approprié pour parler de ce premier roman aussi magistral qu’éprouvant.

Ce qui reste des hommes, Vénus Khoury-Ghata

« L’homme parti, on prend un chat.
Argument irréfutable. »

Diane et Hélène, sont deux femmes d’âge mûr comme on dit, veuves, confortablement installées dans la vie, et d’une liberté qui se fiche pas mal des convenances. Elles sont amies, se livrent l’une à l’autre sans tabou et les hommes, vivants et morts, qui ont traversé leur vie peuvent aujourd’hui encore s’accrocher aux branches.

Alors que la première balaie son passé amoureux, ouvertement sulfureux, pour trouver le bon candidat encore en vie pour lui proposer une place dans le caveau qu’elle vient d’acheter, la seconde retrouve une deuxième jeunesse auprès des squatteurs qui occupent sa riche propriété de bord de mer…

Irrévérencieuses et attachantes, ces deux femmes hors norme et tumultueusement vivantes sont un rayon de soleil entre les pages de ce roman vivifiant !

Un vrai coup de cœur.