Archives de catégorie : Elodie a lu

Une certaine raison de vivre, Philippe Torreton

Jean revient de la grande guerre physiquement intact mais intérieurement broyé. Sa rencontre avec Alice le rend à la vie, mais l’amour n’arrive pas à être plus fort que les ravages laissés par la guerre. Seul le souvenir d’un berger provençal croisé avant les conflits parvient, parfois, à le rendre vraiment à la vie.

« Alice était sa chance, peut-être même son unique chance de construire quelque chose qui ressemblerait à une vie après cette guerre qui l’avait vandalisé en une longue et violente destruction de chaque jour qui avait tout cassé en lui, tout ce qui ne se voit pas. Pour ce broyé de l’intérieur, chaque jour était une bataille contre des milliers de pensées et autant d’images qui remontaient des bas-fonds comme des remugles.« 

Un beau texte qui nous plonge dans la difficulté du retour à la vie normal pour un jeune homme traumatisé par la guerre, et qui rend un hommage discret à l’homme qui plantait des arbres de Giono.

Élise sur les chemins de Bérengère Cournut

« Je ne suis prisonnier d’aucune colline !

Je défie les truites et les anguilles !« 

«  (…) Les seules lois valables sont celles qui président à la croissance des salades. »

Élise vit dans la montagne entourée de ses frères et sœurs… Elle apprend de la nature et des êtres qui la composent, omniprésents autour d’elle. Lorsque les deux ainés de la fratrie, Onésime et Élisée, quittent le nid pour aller « apprendre la terre« , c’est un déchirement pour Féline et Lion, les parents, et pour leurs nombreux enfants restés à leurs côtés.

Si Onésime choisit de poursuivre sagement ses études, Élisée fait le choix du voyage et parcourt le monde…

Un beau jour, une lettre annonçant le retour des deux garçons « Là où sont (leurs) racines« , le regard acéré et les conseils d’une mystérieuse « vouivre » tapie dans les eaux du ruisseau entrainent Élise sur les chemins en direction de Onésime et Élisée.

Un roman onirique et poétique, en vers aussi libres que furent la vie familiale et le parcours de Élisée Reclus dont il est question dans ces pages. Pionnier de la géographie sociale, écolo et végétarien avant l’heure (!), défenseur de l’éducation populaire et de l’union libre, militant anarchiste et grand voyageur… à la lumière de ses quelques éléments, le texte de Bérengère Cournut résonne différemment…

Dans nos rayons le 14 octobre.

Tala de Camille Tisserand et Catherine Latteux

Nous avions adoré « Loupiote » et ce nouvel album, « Tala », de Camille Tisserand et Catherine Latteux aux Éditions Père Fouettard est un nouveau bijou…

Tala a grandi… D’abord hostile et méfiante lorsqu’elle rencontre un homme dans la forêt, ces deux êtres vont finalement « s’apprivoiser » et c’est ensemble qu’ils rendront à la belle louve tout l’amour qu’elle a donné au bébé abandonné qu’a été Tala.

Des illustrations sublimes pour une jolie histoire d’amour entre l’animal et l’humain.

Un coup de cœur ❤… pour les petits et les grands !

Tananarive de Sylvain Vallée et Mark Eacersall

 » Je vais à Tananarive.

où ?

À Charleville-Mézières. »

Amédée, notaire à la retraite, aventurier de canapé et hypocondriaque encore en activité, n’a rien d’un enquêteur chevronné. À la mort de son ami et voisin, Jo, dont il aimait écouter les aventures rocambolesques, le vieil homme va pourtant se lancer dans un road trip farfelu pour retrouver la piste du fils inconnu de son vieux compère.

Ce polar décalé, dont le héros sent franchement la naphtaline, entraine le lecteur dans des coins bien moins exotiques que ce qu’il pourrait l’envisager à la lecture des premières pages… Mais le charme opère très rapidement !

On se laisse embarquer à la suite de Amédée qui, au fil de son enquête sur la vie réelle de feu son acolyte, en découvrira tout autant sur lui-même que sur Jo…

Un roman graphique initiatique, touchant et plein d’humour qui fait la part belle au « grand (et bel) âge » et nous rappelle ô combien il n’est jamais trop tard.

Enfant de salaud, Sorj Chalandon

« Je suis un enfant de salaud, mais pas à cause de tes guerres en désordre, papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil, de cette folie qui t’a accompagnée partout. Ni à cause des rôles que tu as endossés : SS de pacotille, patriote d’occasion, Résistant de composition. La saloperie n’a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure. Non. le salaud, c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. sans traces, sans repères, sans lumière, sans la moindre vérité. … Qui a passé sa guerre, puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes. Le salaud, c’est le père qui m’a trahi.« 

Le récit s’ouvre par une enquête sur la rafle des enfants d’Isieux, qui conduit au procès de Klaus Barbie. Le narrateur, journaliste, retrace ces évènements historiques tout en essayant de démêler sa propre histoire. Ou plutôt celle de son père, dont il ignore la vérité et son rôle dans le conflit.

« J’ai besoin de savoir qui tu es pour savoir d’où je viens. Je n’ai plus l’âge de croire mais d’entendre. Cette vérité tu me la dois.« 

quelqu’un a qui parler, Gregory Panaccione et Cyril Massarotto

Samuel fête ses 35 ans, seul. La déprime s’installe et il réalise qu’il n’a personne à qui parler. Il appelle le seul numéro qu’il connait par cœur, celui de son enfance. Par un jeu du hasard, c’est le petit Sam de dix ans qui lui répond…

Une belle BD pleine de tendresse qui place un homme face à l’enfant qu’il était et lui fait réaliser qu’il l’a trahi en abandonnant ses rêves et ses envies. Et si c’était l’occasion de changer et de reprendre sa vie en main ?

Avant que le monde ne se ferme, Alain Mascaro

Anton est né parmi les fils du vent. Il a grandit dans les steppes libres et calmes, dans le petit chapiteau rouge et bleu, puis a connu les années noires, le ghetto, les camps, la longue marche de la mort. Il porte en lui les morts qui ne veulent pas qu’on oublie leurs noms et doit rester vivant pour se souvenir. La bonté de Simon, l’humanité de Katok, le rire de Smirna, les rencontres fugaces du bord des routes, les horizons immenses et dentelés ou infiniment plats.

« Tu as une dette envers les morts, Anton. Tu as survécu. Et puisque tu as survécu, tu te dois de vivre et d’être heureux. Ce n’est pas un droit mais un devoir. Peut-on vivre et être heureux par devoir ? Oui, à condition que ce soit librement et pleinement consenti. Si tel est le cas, alors s’efface le poids du devoir et ne reste plus que la joie, l’intense jubilation de vivre.« 

Un beau roman qui nous emporte sur les routes aux côtés d’un peuple Tzigane pris dans les méandres de l’Histoire.

« Pour triompher du malheur, il faut le profaner. Et quelle plus belle profanation que la vie elle-même ? Reprendre les voies du vent, … triompher de la mort en riant.« 

Et ils dansaient le dimanche, Paola Pigani

Ils sont nombreux fuir leur pays pour offrir leurs bras à ces usines de textile lyonnaises, qui promettent une vie meilleure. Parmi eux, la jeune Szonja quitte sa Hongrie et découvre un quotidien rude, rythmé par l’usine mais aussi la solidarité et quelques moments de joie volés.

Une plongée dans le monde ouvrier des années 1930, ses rudes conditions, la crise et les combats pour faire valoir les droits de ces hommes et femmes exploités.

Revenir à toi, Leonora Recondo

Tout bascule avec ce simple appel : « On a retrouvé ta mère. » Après trente ans d’absence. Magdalena saute dans un train. Alors que les kilomètres défilent, les souvenirs profondément enfouis remontent et les sentiments s’embrouillent.

Un roman doux et sensuel qui nous emporte dans un voyage intérieur et une rencontre mère-fille vers la compréhension et la réconciliation. envers l’autre et soi-même.

« Dire à sa mère en folle, en ce jour lointain, tu as agi. Et chacun de mes jours en a été la conséquence. Et maintenant que je suis à une heure de toi, je ne sais plus comment t’appeler. Maman ? Alors que j’ai passé des années à hacher menu ce mot. Te dire, maman pourquoi m’as tu abandonné ? Maman est tombée nue dans le silence de l’absence.« 

Sidération, Richard Powers

Robin un enfant différent , ingénu, qui s’inquiète du silence d’une galaxie qui devrait grouiller de civilisations et de la vie qui souffre sur sa propre planète au bord du chaos politique et climatique. Son père, astrobiologiste, fait de son mieux pour le préserver de la violence du monde et palier l’absence de sa mère : il simule d’autres mondes, d’autres formes de vies, ratisse les océans lointains et invente pour nourrir aussi bien les données des télescopes spatiaux que l’imaginaire de son enfant.

Un beau roman questionnant notre place dans le monde et nous amenant à reconsidérer nos liens avec le vivant.

« Mon fils était un univers de poche dont je n’atteindrai jamais le fond. Chacun de nous est une expérience en soi et nous ne savons même pas ce qu’elle est censée tester. »

« Un jour nous réapprendrons à nous connecter à ce monde vivant, et l’immobilité sera comme un envol. »