« Non pas « lâcher les chiens » mais « accueillir ses monstres ». »
Ben Ali n’est plus, le monde ne tourne pas rond, nous sommes en Tunisie. Dans un palace face à la mer, l’aile réquisitionnée pour les éclopés de guerre Libyens, fierté et corps en miette, fait face à l’espace réservé aux femmes planquées dans ce paradis de la chirurgie esthétique bon marché. « Luxe, calme et mojito » Elles attendent que leurs hématomes s’atténuent pour ne pas perdre la face dans une société patriarcale qui juge le moindre centimètre de leur corps. Les blessés ragent de leurs membres arrachés par la violence de la guerre dont ils se voudraient les héros. Les abords de la piscine exposent à la morsure du soleil ce que les injonctions et la soif de domination offrent de trophées déglingués. Tristes lots de consolation pour celles et ceux – anges, démons et clowns – réunis.es dans ce face à face improbable et qui se prêtent au jeu qu’ils et elles croient choisir. Rafika, Madjed, Naïma, Hassen. Quatre voix puissantes, refusent et s’insurgent, témoignent, chuchotent et hurlent pour ces corps « diminués » ou « augmentés » toujours retouchés, au bistouri ou à l’obus, mais qui refusent de ployer. Dans ce grand défilé cocasse qui interroge sous tous les prismes les figures de monstres humains, les désignés.es d’office par le regard scrutateur du reste de l’humanité sont bien moins les grands.es gagnants.es du titre que de fabuleux résistants.es par le grotesque.
Hymne à la joie qui est, à la liberté des corps et des pensées, charge contre les obscurantismes, traversé d’humour et de lumière, de sensualité et d’amour, tendre pour l’humanité qui en bave et sans concession pour celle qui se délecte de sa puissance et de sa domination, un roman incontournable, fabuleux, poignant et puissamment du côté de la vie.
Un très grand coup de cœur. Venez, venez, venez, on vous en parle ! Parce qu’il y a encore beaucoup à en raconter après ces quelques mots pour piquer votre curiosité.
Parution le 21 août 2025
En lisant ce livre, retour au roman après deux récits « littératuro-documentaires » aux éditions Verticales d’Arno Bertina, on a pensé à : « La déconfite gigantale du sérieux », Pietro Di Vaglio, Lignes – Léo Scheer