Blanc Résine de Audrée Wilhelmy

« (…) plus que tout, les hommes redoutent celles qui n’ont pas peur d’eux. »

Forêt boréale au nord du Québec, terre ancestrale des Inuits, éventrée par l’industrie minière.

Dans un couvent niché au fond des bois, Daa voit le jour, fille de vingt-quatre mères dont les mouvements des bras et des corps autour de la fillette se lient jusqu’à devenir ceux d’un unique et géant corps maternel et dont les voix se mêlent pour la bercer « des fils de légendes mélangées« . Portée par la force féminine de ses mères, nourrie des connaissances de ses ancêtres Inuits, Daa grandit fille de la terre, insoumise, libre et sauvage. Ce qui est infligé à la nature, elle en souffre au plus profond de sa chair.

C’est ce sentiment de révolte face à un intrus qui ne respecte pas sa forêt qu’elle ressent lorsqu’elle voit Laure, « garçon a la peau d’un esprit de rivière qui serait sans cesse plongé dans l’eau et lavé par le jeu des galets » pour la première fois. Laure, fils d’un mineur qui s’épuise dans les entrailles de la mine voisine, traîne son albinisme comme un fardeau et aspire à devenir médecin pour gagner l’assurance qui lui manque. Seules quelques branches cassées impossibles à recoller témoigneront de cette furtive rencontre.

De longues années passent avant que leurs chemins ne se croisent à nouveau et que l’étincelle dans les yeux de ces deux êtres que tout oppose n’enflamme leurs corps et leurs esprits. Et la suite sera peut-être moins une histoire d’amour que l’union de deux marginalités attirées l’une à l’autre par cette singularité que chacun reconnait dans l’autre. Si Daa fuit la proximité des humains sans en avoir peur, Laure doute et court après la reconnaissance sociale pour effacer sa différence. Et peu à peu, l’écart se creuse entre eux…

Un grand coup de cœur pour ce troisième roman de Audrée Wilhelmy publié en France aux éditions Grasset. Une saveur de fable baignée dans les croyances et les traditions Inuits qui déroule la vie d’une femme résolument hors norme, Ina Maka (Mère Terre) jusqu’au plus profond de son être.

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