Une part de l’amour, peu valorisée, consiste à voir l’autre suivre son chemin. Paulina l’avait compris, Ramón l’avait compris, et maintenant c’était mon tour.

Aux abords du bidonville, la route qui mène à l’aéroport se pose comme rempart visuel à la misère avec ses innombrables panneaux publicitaires, lumineux symboles d’une opulence qui ne traverse pas le cordon de bitume. Sans crier gare, Ramón laisse son poste à l’usine de PVC et accepte de s’occuper de l’un de ces chantres de la consommation.
Baron dans un arbre de conjoncture, il s’y perche dans le silence, la lumière des étoiles et l’alcool. Une liberté en pointillés, choisie sous la contrainte de toute une vie, et un exil nécessaire contre l’adversité de celles et ceux qui sont prompts à juger. Seuls.es Paulina, son amour, et Miguel, son neveu, bravent les commentaires malveillants du voisinage pour le rejoindre dans son antre. Et c’est doux, là-haut, entre les larmes et les renoncements. Au début…
Au pied de l’immense enseigne, les « sans-maisons » et leurs feux de camp menacent par leur présence qui ravive un passé dépassé, la routine un peu moins malheureuse des habitants.es prêts.es à tout pour préserver leur pauvreté de parvenus.es. Les odeurs de fumée stigmatisent et imprègnent leurs années de lutte sociale et plutôt leur jeter des pierres que d’accepter de reconnaître leurs propres fantômes dans l’image de ses gueux.ses sous leurs fenêtres.
Et la guerre, parce qu’il n’y a que ça pour s’assurer la paix !
Ce livre magnifique, c’est les yeux d’enfant de Miguel sur ce monde, sa voix qui dit l’amour qu’on ne lui donne pas, celui qui se reçoit doucement et fracasse le déroulement de ce roman entre tendresse et brutalité. Parce que c’est presque aussi simple de céder à la violence que d’y échapper, l’espoir tenace existe d’une population servile qui ne mettrait pas de coups de bâton sur la tête des plus malheureux.ses.
Après un immense coup de cœur pour « Kramp », qui bonheur pour celles et ceux qui ne l’ont pas lu, est publié en poche, ce texte lumineux, sombre et douloureusement humain est un souffle sur la boue lourde des préjugés et du conservatisme.
Venez, on vous en parle ! Ce sera le 14 mai aux éditions Quidam.