Archives de catégorie : ♥ Vos libraires ont lu ♥

Ceux qui trop supportent de Arno Bertina

Le combat des ex-GM&S (2017-2020)

« J’aurais voulu écrire un livre qui ne mentionne pas les larmes des ouvriers…« 

Entre 2017 et 2020, Arno Bertina rencontre les salariés de l’usine GM&S, sous-traitant de Renault et PSA, dans la Creuse. Frappés par une énième salve de licenciements et de démantèlement de leur outil de travail, c’est leur parole et leur combat qu’il va écouter et délivrer. Au-delà du constat social révoltant, ce sont des personnes bien réelles qui sont au centre de ce livre ; leur vie, leurs ressentis, leur humanité et générosité qui tranchent en regard du comportement des décideurs, patronat et pouvoirs publics tous dans un même panier.

Un pamphlet à charge et franchement exagéré ? Même pas ! Le constat est simple et argumenté. La noblesse des ouvriers de GM&S est une claque insupportable pour des puissants obsédés par l’appât du gain et le pouvoir.

Des femmes et des hommes massacrés par une logique économique qui ne prospère que parce que leur engagement pour LEUR usine est bien plus fort que tout ce qu’ils auront à encaisser de la part des « têtes pensantes », rédigeront une proposition de loi destinée à éviter que l’histoire ne se répète pour d’autres. Une leçon d’altruisme ? Toujours pas. Des êtres profondément humains qui n’ont pas oublié que pour une bonne omelette aux cèpes, il fallait plus de cèpes que d’œufs.

Le récit d’une lutte, oui… Et, tout à la fois, un livre très personnel… « C’est ton bouquin Arno », comme le lui rappellera Vincent Labrousse (élu CGT à GM&S) en 2020. S’il n’est pas question pour Arno Bertina de tirer une quelconque gloire d’un combat qu’il n’aurait pas mené, sa révolte épidermique devant la violence d’un système destructeur est saine, légitime et contagieuse.

L’infatigable Arno Bertina prête à nouveau sa plume à une vérité glaçante (pour mémoire, « L’âge de la première passe » sur la prostitution de toutes jeunes femmes au Congo) et interroge humblement le regard et la langue qu’il pose sur ces moments de vie.

Un récit sombre dans ce qu’il nous dit du monde dans lequel nous vivons et en même temps empreint de l’espoir et de l’énergie communicative qui se dégage du portrait de ces femmes et de ces hommes qui ont tenu tête. Une lecture juste et nécessaire, d’une humanité spontanée, simple et sincère.

Élise sur les chemins de Bérengère Cournut

« Je ne suis prisonnier d’aucune colline !

Je défie les truites et les anguilles !« 

«  (…) Les seules lois valables sont celles qui président à la croissance des salades. »

Élise vit dans la montagne entourée de ses frères et sœurs… Elle apprend de la nature et des êtres qui la composent, omniprésents autour d’elle. Lorsque les deux ainés de la fratrie, Onésime et Élisée, quittent le nid pour aller « apprendre la terre« , c’est un déchirement pour Féline et Lion, les parents, et pour leurs nombreux enfants restés à leurs côtés.

Si Onésime choisit de poursuivre sagement ses études, Élisée fait le choix du voyage et parcourt le monde…

Un beau jour, une lettre annonçant le retour des deux garçons « Là où sont (leurs) racines« , le regard acéré et les conseils d’une mystérieuse « vouivre » tapie dans les eaux du ruisseau entrainent Élise sur les chemins en direction de Onésime et Élisée.

Un roman onirique et poétique, en vers aussi libres que furent la vie familiale et le parcours de Élisée Reclus dont il est question dans ces pages. Pionnier de la géographie sociale, écolo et végétarien avant l’heure (!), défenseur de l’éducation populaire et de l’union libre, militant anarchiste et grand voyageur… à la lumière de ses quelques éléments, le texte de Bérengère Cournut résonne différemment…

Dans nos rayons le 14 octobre.

Tala de Camille Tisserand et Catherine Latteux

Nous avions adoré « Loupiote » et ce nouvel album, « Tala », de Camille Tisserand et Catherine Latteux aux Éditions Père Fouettard est un nouveau bijou…

Tala a grandi… D’abord hostile et méfiante lorsqu’elle rencontre un homme dans la forêt, ces deux êtres vont finalement « s’apprivoiser » et c’est ensemble qu’ils rendront à la belle louve tout l’amour qu’elle a donné au bébé abandonné qu’a été Tala.

Des illustrations sublimes pour une jolie histoire d’amour entre l’animal et l’humain.

Un coup de cœur ❤… pour les petits et les grands !

Tananarive de Sylvain Vallée et Mark Eacersall

 » Je vais à Tananarive.

où ?

À Charleville-Mézières. »

Amédée, notaire à la retraite, aventurier de canapé et hypocondriaque encore en activité, n’a rien d’un enquêteur chevronné. À la mort de son ami et voisin, Jo, dont il aimait écouter les aventures rocambolesques, le vieil homme va pourtant se lancer dans un road trip farfelu pour retrouver la piste du fils inconnu de son vieux compère.

Ce polar décalé, dont le héros sent franchement la naphtaline, entraine le lecteur dans des coins bien moins exotiques que ce qu’il pourrait l’envisager à la lecture des premières pages… Mais le charme opère très rapidement !

On se laisse embarquer à la suite de Amédée qui, au fil de son enquête sur la vie réelle de feu son acolyte, en découvrira tout autant sur lui-même que sur Jo…

Un roman graphique initiatique, touchant et plein d’humour qui fait la part belle au « grand (et bel) âge » et nous rappelle ô combien il n’est jamais trop tard.

Eye Track de Sébastien Rutés

«  Qui a tort ? Elle qui montre ou lui qui regarde ? (…)

– Qu’est-ce qu’on fait ? On cache le sein ou on interdit de le regarder ?

– On le cache, répondent les uns.

– On interdit de regarder, répondent les autres.

– Ni l’un ni l’autre ! On l’éduque pour qu’il contrôle ses mauvaises pensées ! On lui apprend à comprendre ce qu’il voit et à regarder avec discernement ! »

« On a le droit de ne pas être regardés tant qu’on est toujours vus. »

2019. Les destins de Margaux, Lucas et Romain se télescopent lors d’une manifestation pour le droit des femmes. Avec leurs choix et leurs convictions, la militante femen, le photographe et le policier posent les bases de la société dans laquelle vivront leurs enfants.

2047. Thémis, la fille de Romain, et Hermès, le fils de Margaux et Lucas, grandissent avec les œillères imposées par le gouvernement. Les lunettes Eye Track devenues obligatoires dans l’espace publique floutent et redessinent le réel selon le bon vouloir des dirigeants. Mais comment être réellement libre dans une société où VOIR est devenu le plus grand des tabous ?

Avis lancés aux parents qui ne répondent pas à leurs enfants : « Ça ne te concerne pas, c’est des trucs d’adultes que tu comprendras plus tard ! » et qui ne considèrent pas leurs chères têtes blondes comme de petites choses fragiles à préserver de la rudesse du monde, ce texte court, dense et explosif est un condensé de pertinence. Loin de donner des réponses toutes faites et de proposer un point de vue unique et partial, « Eye Track » décortique à travers de multiples angles d’approche les dérives et les manipulations d’une société totalitaire dotée d’une main mise absolue sur ce qui nous est donné à voir.

Sébastien Rutés ne délaisse aucune piste et, tout en finesse et en nuances, passe au crible du pour et du contre les nombreux débats suscités par la question du regard, que ce soit celui que l’on pose ou celui dont on est l’objet.

Un grand coup de cœur ! Dès 12 ans et sans aucune limite d’âge.

La collection « Faction » – IN8 éditions

La collection Faction des éditions IN8 s’adresse à nos ados à partir de 12 ans et aborde sans amorti les thèmes et les enjeux qui font le quotidien de la société. Confrontés au flot continuel des faits et des informations déversés par les médias, les réseaux sociaux et notre propre parole dans le cercle familial, difficile pour eux de faire le tri et d’y voir clair. Ces romans sans mièvrerie sont de parfaits outils pour les encourager à s’interroger, se révolter et s’engager dans le monde dans lequel ils vivent et pour celui qu’ils choisiront de bâtir à l’avenir.

Pour les autres titres de la collection, c’est par là que ça se passe ! https://www.editionsin8.com/catalogue/product/listing/230-collection-faction

ULtramarins de Mariette Navarro

« (…) et c’est sa façon de crier son amour pour tout ce qui ne se donne pas à décoder, tout ce qui décide de faire sa propre poésie sans surveillance, et peu importe si c’est un chemin plein d’angoisse, et peu importe si c’est la mort au bout.« 

L’étrange et enivrante beauté d’un moment suspendu en dehors des règles et du temps.

Une baignade en pleine mer, l’équipage profite d’un instant de liberté sous les yeux de la commandante restée à bord. Un écart de conduite pour elle, un fragment d’insoumission dans une communion totale, inquiétante et sublime avec l’élément « mer » pour les autres, et c’est la donne du réel qui est bouleversée et ouvre une faille pour tous les occupants du cargo.

On se laisse bercer au fil de cette traversée poétique et énigmatique. La matière et l’esprit se fondent l’un dans l’autre et laissent émerger un mystérieux vingt et unième homme. Alors qu’un cocon de brume fige la progression du navire et enveloppe ceux qui sont à bord dans ses questionnements intimes, la figure du fantôme émerge doucement… À chacun d’en reconnaître « le visage » et de, peut-être, puiser dans cette rencontre sur le fil de la réalité une forme de paix…

Ce roman, c’est un peu la liberté de l’incertitude, le droit au doute et à une forme d’oubli même momentanée… Une idée de « ralenti » comme pour nous laisser le temps à nous, lecteurs, de nous laisser embarquer par ce texte envoutant…

Un coup de cœur.

Enfant de salaud, Sorj Chalandon

« Je suis un enfant de salaud, mais pas à cause de tes guerres en désordre, papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil, de cette folie qui t’a accompagnée partout. Ni à cause des rôles que tu as endossés : SS de pacotille, patriote d’occasion, Résistant de composition. La saloperie n’a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure. Non. le salaud, c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. sans traces, sans repères, sans lumière, sans la moindre vérité. … Qui a passé sa guerre, puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes. Le salaud, c’est le père qui m’a trahi.« 

Le récit s’ouvre par une enquête sur la rafle des enfants d’Isieux, qui conduit au procès de Klaus Barbie. Le narrateur, journaliste, retrace ces évènements historiques tout en essayant de démêler sa propre histoire. Ou plutôt celle de son père, dont il ignore la vérité et son rôle dans le conflit.

« J’ai besoin de savoir qui tu es pour savoir d’où je viens. Je n’ai plus l’âge de croire mais d’entendre. Cette vérité tu me la dois.« 

quelqu’un a qui parler, Gregory Panaccione et Cyril Massarotto

Samuel fête ses 35 ans, seul. La déprime s’installe et il réalise qu’il n’a personne à qui parler. Il appelle le seul numéro qu’il connait par cœur, celui de son enfance. Par un jeu du hasard, c’est le petit Sam de dix ans qui lui répond…

Une belle BD pleine de tendresse qui place un homme face à l’enfant qu’il était et lui fait réaliser qu’il l’a trahi en abandonnant ses rêves et ses envies. Et si c’était l’occasion de changer et de reprendre sa vie en main ?

Les Contreforts de Guillaume Sire

contrefort

  • 1. Pilier, massif de maçonnerie engagé dans un mur qui reçoit une poussée, afin de l’épauler, d’en prévenir le renversement.
  • 2. Partie de la montagne formée par une arête secondaire qui vient buter contre une arête principale.

Dans les Corbières, les histoires du château de Montrafet et celle de ses héritiers, les Testasecca sont intimement liées. Si l’aura familiale et la bâtisse ont perdu de leur superbe, elles semblent encore imposer le respect auprès des villageois. Mais, lorsque les factures s’empilent, que la nature s’en mêle et que les « châtelains » ne parviennent plus à maintenir les vieilles pierres debout, c’est davantage qu’un joyau architectural qui vacille. C’est toute l’histoire de cette dynastie qui est alors remise en question…

Libertaire et têtu jusqu’à l’outrance, Léon, le père, ne reculera devant rien ni personne lorsqu’il s’agira de défendre la propriété familiale frappée d’un arrêté d’expulsion par le biais des monuments historiques. La rigueur aveugle de l’administration et la cupidité des magouilleurs appâtés par la possibilité de s’emparer des terrains voisins du château finiront de mettre le feu aux poudres.

Entrainant dans son jusqu’au-boutisme, sa femme, Diane, et leurs deux enfants, Clémence et Pierre, ils défendront quoi qu’il en coûte, le château. Autour de ce combat acharné, toute une ribambelle d’individus tout aussi extravagants, surprenants et attachants que les Testasecca prendront part aux évènements qui, de l’éclat romantique et rocambolesque des débuts, bascule brutalement vers un registre bien plus sombre.

Dans cette étonnante fresque familiale aux sonorités tragiques, l’amour que les Testasecca se portent les uns aux autres n’a d’égal que leur attachement à leur terre, héritage et symbole d’une histoire ancrée dans la pierre et hantée par d’anciennes croyances.

Avant que le monde ne se ferme, Alain Mascaro

Anton est né parmi les fils du vent. Il a grandit dans les steppes libres et calmes, dans le petit chapiteau rouge et bleu, puis a connu les années noires, le ghetto, les camps, la longue marche de la mort. Il porte en lui les morts qui ne veulent pas qu’on oublie leurs noms et doit rester vivant pour se souvenir. La bonté de Simon, l’humanité de Katok, le rire de Smirna, les rencontres fugaces du bord des routes, les horizons immenses et dentelés ou infiniment plats.

« Tu as une dette envers les morts, Anton. Tu as survécu. Et puisque tu as survécu, tu te dois de vivre et d’être heureux. Ce n’est pas un droit mais un devoir. Peut-on vivre et être heureux par devoir ? Oui, à condition que ce soit librement et pleinement consenti. Si tel est le cas, alors s’efface le poids du devoir et ne reste plus que la joie, l’intense jubilation de vivre.« 

Un beau roman qui nous emporte sur les routes aux côtés d’un peuple Tzigane pris dans les méandres de l’Histoire.

« Pour triompher du malheur, il faut le profaner. Et quelle plus belle profanation que la vie elle-même ? Reprendre les voies du vent, … triompher de la mort en riant.«