La sauvagière de Corinne Morel Darleux

Posée sans envie dans une vie moderne et citadine, irritée par le bruit incessant du monde et des gens, effrayée par sa propre douleur, elle ne trouve pas sa place dans cette “normalité”. Conduire sa moto pour échapper à son malaise permanent est le petit souffle de liberté qui apaise sur l’instant ses angoisses, c’est aussi ce qui va la propulser tête la première sur l’asphalte. Lorsqu’elle ouvre les yeux dans une tanière de plaids et de couvertures, son regard a bien du mal a accroché l’extérieur de la maison forestière. Autour d’elle, Jeanne et Stella, mais aussi le jardin, le verger, la montagne et la nature imperturbable.

Elle s’installe doucement dans ce quotidien frugal rythmé par les saisons, chaque geste choisi, dicté par l’approche de l’hiver et la nécessité de s’y préparer. Une sororité sans mot unit les trois femmes dans une atmosphère étrange. Mais un matin, elle se réveille dans une maison vide. Du rêve à la folie pour échapper aux appels du réel qui la poursuivent, guidée par une kistune sage et bienveillante, elle va devoir apprendre à apprivoiser ses peurs pour arrêter de fuir.

Fable fantastique et critique sociale, un plaidoyer en faveur d’une vie qui renouerait avec une autonomie matérielle et politique et qui réenchanterait le collectif face à une société individualiste qui s’autodigère à force de croissance et de surabondance de technologies.

Un coup de cœur pour ce premier roman pour adulte de Corinne Morel Darleux, déjà autrice d’ouvrages pour la jeunesse et d’un essai aux éditions Libertalia, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce.

https://www.editionslibertalia.com/catalogue/la-petite-litteraire/corinne-morel-darleux-plutot-couler-en-beaute

Le blog de Corinne Morel Darleux : https://revoirleslucioles.org/

Les chairs impatientes de Marion Roucheux

Je veux qu’on me rende ce corps d’avant qui ne vivait que pour lui-même, qui ne nourrissait aucune autre vie, qui ne subissait que les assauts qu’il autorisait. Je n’ai jamais voulu de ce corps de mère, lesté d’obligations et de folie. Je veux mon corps libre, libre de jouir, d’aimer, de dormir, libre de s’échapper, libre de tout quitter, libre de revenir. Libre de trahir.

Avec lui, je me souviens des moments qu’on n’a pas encore vécus.

À la naissance de son second enfant, elle perd pied et se retrouve en maison de repos au bord d’un lac de montagne. Une chute sur les pistes de skis, la main d’un homme qui se tend pour la relever et c’est le début d’un embrasement qui va peu à peu l’envahir jusqu’à l’obsession. Une envie crue, impossible à réfréner s’empare d’elle et recouvre son quotidien d’un voile terne. Si ce désir sexuel lui apparaît comme l’élan vital susceptible de réveiller son corps et de retrouver celle qu’elle a été “avant” de devenir épouse et mère, la réalité ne tarde pas à la rattraper. Le constat est sans appel : elle est prisonnière et seule la forme des barreaux change.

Une plongée dans le burn-out maternel et le désir féminin. Librement érotique et d’une vérité sans fioriture sur les hauts et les bas qui peuvent traverser une vie de femme et de mère, le choix radical pour lequel la narratrice finit par opter détonne et propose une fin surprenante pour ce premier roman de Marion Roucheux.