Qui sait de Pauline Delabroy-Allard

(…) et je sais que tu dois te trouver, comprendre qui c’est, les autres en toi, je sais tout ça, mais reviens, je t’en supplie, reviens parmi les vivants.

Pauline a trente ans, une amoureuse, une famille que l’on peut qualifier de taiseuse et elle est enceinte. Derrière les portes des bureaux de l’état civil, une simple démarche de demande de pièce d’identité la confronte à l’existence d’un trio de prénoms accolé au seul qu’elle se connaisse jusque là. Devant l’impossibilité de poser frontalement la question des raisons de leurs choix à ses parents, Pauline se lance dans une quête et enquête pour remonter le fil de sa propre histoire à travers celle de Jeanne, Jérôme et Ysé.

Sur les traces d’une arrière grand-mère effacée des mémoires du roman familial, jusqu’en Tunisie à la recherche d’un ami gay de sa mère fauché par le VIH dans les années 1980, hantée par le drame du “jour blanc” et réfugiée dans sa “maison tanière” avec comme unique interlocutrice, Ysé, personnage du Partage de midi de Claudel, Pauline interroge le passé pour reconstituer les puzzle de ses origines.

Après “Ça raconte Sarah” publié aux éditions de Minuit en 2018, “Qui sait” est le deuxième roman de l’autrice également remarquée pour son recueil “Maison Tanière” aux éditions L’Iconopop. (https://defilenpage.fr/maison-taniere-de-pauline-delabroy-allard/)

Pauline Delabroy-Allard jette le trouble dans ses pages et se joue de la frontière entre fiction et réalité sur lesquelles on ne peut pas manquer de s’interroger ne serait-ce qu’avec la similitude de prénom entre le personnage et son autrice. Mais, c’est aussi la forme même du roman qui est questionnée et plus particulièrement encore dans une dernière partie “sur les chapeaux de roue”. La narration vient fusionner le cours du roman de Claudel et sème le doute sur qui est celle qui écrit, celle qui est écrite et celle qui lit et fait corps avec sa lecture. Une ambitieuse démonstration de ce que peut la littérature…

En librairie le 18 août 2022.

Zizi cabane de Bérengère Cournut

C’est étrange comme, parfois, “rien” a l’air d’être quelqu’un

Odile, la mère disparaît et c’est tout un monde que Ferment, son mari, et Béguin, Chiffon et la jeune Zizi Cabane, leurs enfants, vont devoir arpenter autrement. La nature s’en mêle, l’eau se met à ruisseler à travers la maison et le souffle du vent semble porter une voix. Une lutte contre les éléments, métaphore de ce qui les meut intérieurement, s’engage pour chacun d’entre eux, chacun la sienne et chacun avec ses propres outils, mais peuvent-ils réellement endiguer le cours d’un ruisseau et faire taire le vent ? Sans doute pas davantage qu’ils ne peuvent couper court au flot des sentiments qui s’empare d’eux et par lequel il leur faudra se laisser porter.

Mais peu à peu, la douce présence de Jeanne, la sœur d’Odile, à leurs côtés et l’arrivée impromptue de Marcel Tremble, grand-père auto-proclamé plein d’humour et d’amour dans leur vie, viennent esquisser un nouveau chemin pour la tendresse… Des kilomètres de sentiers sous les pieds, des chutes de tissu en forme de collines, des rencontres et c’est la vie qui va se charger de leur botter les fesses pour reprendre son cours.

Les lectrices et les lecteurs assidus de Bérengère Cournut tendront sans doute un pont entre “Élise sur les chemins” et “Zizi Cabane”… Une forme de fascination pour le caractère rebelle que les rivières, les reliefs et Elisé Reclus ont en partage traverse ses deux derniers livres… Et Bérengère Cournut n’a pas terminé de nous étonner, chaque texte est un nouveau voyage dans lequel plonger ouvre une brèche poétique et onirique dans le réel. L’indomptable et tout ce qui échappe au contrôle de la main et de l’esprit des hommes vient envelopper les personnages du roman comme un baume sur leurs maux. Comment la paix retrouve, vaille que vaille, le chemin des cœurs de celles et ceux qui sont frappés par le deuil, il est peut-être là le beau message porté par ses mots.

Un roman doux et lumineux.

En librairie le 18 août 2022.