Tous les articles par La libraire

Mon Mari, Maud Ventura

Alors qu’elle a un quotidien qui a tout pour rendre heureux, la narratrice est attentive à tout détail qui pourrait rompre l’harmonie, et surtout au moindre signe indiquant que son mari l’aime moins. Amoureuse de l’amour, elle vit dans cette phase d’obsession passionnelle qui ne dure normalement que les premiers mois d’une relation.

J’aime tellement fort que je me consume dans mon propre amour, si bien que lorsque je suis amoureuse, je finis toujours par être un peu éteinte. J’aime et je veux être aimée avec tellement de sérieux que cet amour devient vite épuisant (pour moi, pour l’autre). Bref, j’ai l’amour malheureux.”

Un premier roman surprenant et grinçant, qui met en scène un amour abusif et dérangeant.

J’envie les veuves, les maîtresses et les femmes abandonnées, car je vis depuis quinze ans dans le malheur permanent et paradoxal d’être aimée en retour, de connaître une passion sans obstacle apparent. Combien de fois ai-je espéré que mon mari me mente, qu’il me trompe ou qu’il me quitte : le rôle de la divorcée brisée est plus facile à tenir. Il est déjà écrit. il a déjà été joué… Je ne connais aucun roman, aucun film, aucun poème qui puisse me servir d’exemple et me montrer comment aimer moins fort… je n’ai rien pour documenter ma peine.”

Les flammes de pierre, Jean-Christophe Rufin

Rémy est guide de montagne. Sa rencontre avec l’énigmatique Laure bouleverse son quotidien. Leur amour se mêle à leur passion pour la montagne. “Leur relation était saturée par sa beauté et par sa force.

Rufin nous offre une histoire d’amour mais partage surtout sa passion pour la montagne et l’alpinisme.

Blizzard, Marie vingtras

Au cœur d’un violent blizzard en plein Alaska, un petit garçon disparaît. Bess n’a pourtant lâché sa main qu’un bref instant. Elle se lance à sa recherche, tout comme Bénédict et Cole. Alors que chacun lutte contre les éléments, les souvenirs remontent, le passé ressurgit.

Un premier roman captivant au suspens maîtrisé qui nous plonge en plein froid comme dans les tourments de l’âme humaine.

Les gens d’ici vous demandaient jamais d’où vous veniez. Vous pouviez vous être sorti les fesses tout droit de l’enfer ou être descendu du paradis, ça faisait pas de différence. Si vous étiez prêt à vivre au milieu de nulle part, à travailler dur, et à pas vous plaindre, il y avait une place pour vous.

Une certaine raison de vivre, Philippe Torreton

Jean revient de la grande guerre physiquement intact mais intérieurement broyé. Sa rencontre avec Alice le rend à la vie, mais l’amour n’arrive pas à être plus fort que les ravages laissés par la guerre. Seul le souvenir d’un berger provençal croisé avant les conflits parvient, parfois, à le rendre vraiment à la vie.

Alice était sa chance, peut-être même son unique chance de construire quelque chose qui ressemblerait à une vie après cette guerre qui l’avait vandalisé en une longue et violente destruction de chaque jour qui avait tout cassé en lui, tout ce qui ne se voit pas. Pour ce broyé de l’intérieur, chaque jour était une bataille contre des milliers de pensées et autant d’images qui remontaient des bas-fonds comme des remugles.

Un beau texte qui nous plonge dans la difficulté du retour à la vie normal pour un jeune homme traumatisé par la guerre, et qui rend un hommage discret à l’homme qui plantait des arbres de Giono.

Ceux qui trop supportent de Arno Bertina

Le combat des ex-GM&S (2017-2020)

J’aurais voulu écrire un livre qui ne mentionne pas les larmes des ouvriers…

Entre 2017 et 2020, Arno Bertina rencontre les salariés de l’usine GM&S, sous-traitant de Renault et PSA, dans la Creuse. Frappés par une énième salve de licenciements et de démantèlement de leur outil de travail, c’est leur parole et leur combat qu’il va écouter et délivrer. Au-delà du constat social révoltant, ce sont des personnes bien réelles qui sont au centre de ce livre ; leur vie, leurs ressentis, leur humanité et générosité qui tranchent en regard du comportement des décideurs, patronat et pouvoirs publics tous dans un même panier.

Un pamphlet à charge et franchement exagéré ? Même pas ! Le constat est simple et argumenté. La noblesse des ouvriers de GM&S est une claque insupportable pour des puissants obsédés par l’appât du gain et le pouvoir.

Des femmes et des hommes massacrés par une logique économique qui ne prospère que parce que leur engagement pour LEUR usine est bien plus fort que tout ce qu’ils auront à encaisser de la part des “têtes pensantes”, rédigeront une proposition de loi destinée à éviter que l’histoire ne se répète pour d’autres. Une leçon d’altruisme ? Toujours pas. Des êtres profondément humains qui n’ont pas oublié que pour une bonne omelette aux cèpes, il fallait plus de cèpes que d’œufs.

Le récit d’une lutte, oui… Et, tout à la fois, un livre très personnel… “C’est ton bouquin Arno”, comme le lui rappellera Vincent Labrousse (élu CGT à GM&S) en 2020. S’il n’est pas question pour Arno Bertina de tirer une quelconque gloire d’un combat qu’il n’aurait pas mené, sa révolte épidermique devant la violence d’un système destructeur est saine, légitime et contagieuse.

L’infatigable Arno Bertina prête à nouveau sa plume à une vérité glaçante (pour mémoire, “L’âge de la première passe” sur la prostitution de toutes jeunes femmes au Congo) et interroge humblement le regard et la langue qu’il pose sur ces moments de vie.

Un récit sombre dans ce qu’il nous dit du monde dans lequel nous vivons et en même temps empreint de l’espoir et de l’énergie communicative qui se dégage du portrait de ces femmes et de ces hommes qui ont tenu tête. Une lecture juste et nécessaire, d’une humanité spontanée, simple et sincère.

Élise sur les chemins de Bérengère Cournut

Je ne suis prisonnier d’aucune colline !

Je défie les truites et les anguilles !

(…) Les seules lois valables sont celles qui président à la croissance des salades.”

Élise vit dans la montagne entourée de ses frères et sœurs… Elle apprend de la nature et des êtres qui la composent, omniprésents autour d’elle. Lorsque les deux ainés de la fratrie, Onésime et Élisée, quittent le nid pour aller “apprendre la terre“, c’est un déchirement pour Féline et Lion, les parents, et pour leurs nombreux enfants restés à leurs côtés.

Si Onésime choisit de poursuivre sagement ses études, Élisée fait le choix du voyage et parcourt le monde…

Un beau jour, une lettre annonçant le retour des deux garçons “Là où sont (leurs) racines“, le regard acéré et les conseils d’une mystérieuse “vouivre” tapie dans les eaux du ruisseau entrainent Élise sur les chemins en direction de Onésime et Élisée.

Un roman onirique et poétique, en vers aussi libres que furent la vie familiale et le parcours de Élisée Reclus dont il est question dans ces pages. Pionnier de la géographie sociale, écolo et végétarien avant l’heure (!), défenseur de l’éducation populaire et de l’union libre, militant anarchiste et grand voyageur… à la lumière de ses quelques éléments, le texte de Bérengère Cournut résonne différemment…

Dans nos rayons le 14 octobre.

Tala de Camille Tisserand et Catherine Latteux

Nous avions adoré “Loupiote” et ce nouvel album, “Tala”, de Camille Tisserand et Catherine Latteux aux Éditions Père Fouettard est un nouveau bijou…

Tala a grandi… D’abord hostile et méfiante lorsqu’elle rencontre un homme dans la forêt, ces deux êtres vont finalement “s’apprivoiser” et c’est ensemble qu’ils rendront à la belle louve tout l’amour qu’elle a donné au bébé abandonné qu’a été Tala.

Des illustrations sublimes pour une jolie histoire d’amour entre l’animal et l’humain.

Un coup de cœur ❤… pour les petits et les grands !

Tananarive de Sylvain Vallée et Mark Eacersall

” Je vais à Tananarive.

où ?

À Charleville-Mézières.”

Amédée, notaire à la retraite, aventurier de canapé et hypocondriaque encore en activité, n’a rien d’un enquêteur chevronné. À la mort de son ami et voisin, Jo, dont il aimait écouter les aventures rocambolesques, le vieil homme va pourtant se lancer dans un road trip farfelu pour retrouver la piste du fils inconnu de son vieux compère.

Ce polar décalé, dont le héros sent franchement la naphtaline, entraine le lecteur dans des coins bien moins exotiques que ce qu’il pourrait l’envisager à la lecture des premières pages… Mais le charme opère très rapidement !

On se laisse embarquer à la suite de Amédée qui, au fil de son enquête sur la vie réelle de feu son acolyte, en découvrira tout autant sur lui-même que sur Jo…

Un roman graphique initiatique, touchant et plein d’humour qui fait la part belle au “grand (et bel) âge” et nous rappelle ô combien il n’est jamais trop tard.

Eye Track de Sébastien Rutés

Qui a tort ? Elle qui montre ou lui qui regarde ? (…)

– Qu’est-ce qu’on fait ? On cache le sein ou on interdit de le regarder ?

– On le cache, répondent les uns.

– On interdit de regarder, répondent les autres.

– Ni l’un ni l’autre ! On l’éduque pour qu’il contrôle ses mauvaises pensées ! On lui apprend à comprendre ce qu’il voit et à regarder avec discernement !”

“On a le droit de ne pas être regardés tant qu’on est toujours vus.”

2019. Les destins de Margaux, Lucas et Romain se télescopent lors d’une manifestation pour le droit des femmes. Avec leurs choix et leurs convictions, la militante femen, le photographe et le policier posent les bases de la société dans laquelle vivront leurs enfants.

2047. Thémis, la fille de Romain, et Hermès, le fils de Margaux et Lucas, grandissent avec les œillères imposées par le gouvernement. Les lunettes Eye Track devenues obligatoires dans l’espace publique floutent et redessinent le réel selon le bon vouloir des dirigeants. Mais comment être réellement libre dans une société où VOIR est devenu le plus grand des tabous ?

Avis lancés aux parents qui ne répondent pas à leurs enfants : “Ça ne te concerne pas, c’est des trucs d’adultes que tu comprendras plus tard !” et qui ne considèrent pas leurs chères têtes blondes comme de petites choses fragiles à préserver de la rudesse du monde, ce texte court, dense et explosif est un condensé de pertinence. Loin de donner des réponses toutes faites et de proposer un point de vue unique et partial, “Eye Track” décortique à travers de multiples angles d’approche les dérives et les manipulations d’une société totalitaire dotée d’une main mise absolue sur ce qui nous est donné à voir.

Sébastien Rutés ne délaisse aucune piste et, tout en finesse et en nuances, passe au crible du pour et du contre les nombreux débats suscités par la question du regard, que ce soit celui que l’on pose ou celui dont on est l’objet.

Un grand coup de cœur ! Dès 12 ans et sans aucune limite d’âge.

La collection “Faction” – IN8 éditions

La collection Faction des éditions IN8 s’adresse à nos ados à partir de 12 ans et aborde sans amorti les thèmes et les enjeux qui font le quotidien de la société. Confrontés au flot continuel des faits et des informations déversés par les médias, les réseaux sociaux et notre propre parole dans le cercle familial, difficile pour eux de faire le tri et d’y voir clair. Ces romans sans mièvrerie sont de parfaits outils pour les encourager à s’interroger, se révolter et s’engager dans le monde dans lequel ils vivent et pour celui qu’ils choisiront de bâtir à l’avenir.

Pour les autres titres de la collection, c’est par là que ça se passe ! https://www.editionsin8.com/catalogue/product/listing/230-collection-faction

ULtramarins de Mariette Navarro

(…) et c’est sa façon de crier son amour pour tout ce qui ne se donne pas à décoder, tout ce qui décide de faire sa propre poésie sans surveillance, et peu importe si c’est un chemin plein d’angoisse, et peu importe si c’est la mort au bout.

L’étrange et enivrante beauté d’un moment suspendu en dehors des règles et du temps.

Une baignade en pleine mer, l’équipage profite d’un instant de liberté sous les yeux de la commandante restée à bord. Un écart de conduite pour elle, un fragment d’insoumission dans une communion totale, inquiétante et sublime avec l’élément “mer” pour les autres, et c’est la donne du réel qui est bouleversée et ouvre une faille pour tous les occupants du cargo.

On se laisse bercer au fil de cette traversée poétique et énigmatique. La matière et l’esprit se fondent l’un dans l’autre et laissent émerger un mystérieux vingt et unième homme. Alors qu’un cocon de brume fige la progression du navire et enveloppe ceux qui sont à bord dans ses questionnements intimes, la figure du fantôme émerge doucement… À chacun d’en reconnaître “le visage” et de, peut-être, puiser dans cette rencontre sur le fil de la réalité une forme de paix…

Ce roman, c’est un peu la liberté de l’incertitude, le droit au doute et à une forme d’oubli même momentanée… Une idée de “ralenti” comme pour nous laisser le temps à nous, lecteurs, de nous laisser embarquer par ce texte envoutant…

Un coup de cœur.