Chavirer, de Lola Lafon

Coup de cœur de Pryscilla

1984. Les cours de danse à la MJC de Fontenay, Cléo, 13 ans, y consacre toute son énergie. Lorsque la très élégante Cathy la repère parmi toutes et lui fait miroiter la possibilité d’une bourse de la fondation Galatée pour réaliser son rêve, la petite fille est pleine de fierté. Des cadeaux, de l’argent, un milieu cultivé et raffiné jusqu’au déjeuner avec les membres du « jury » durant lequel elle devra faire preuve de « maturité ».

« Les doigts comme des insectes agacés (…), il suffisait de se tenir parfaitement immobile.»

Le conte de fées tourne au cauchemar, Cléo n’est pas choisie mais peut-être pourra t-elle retenter sa chance l’an prochain ? et en attendant, elle pourrait aider d’autres jeunes filles à obtenir la bourse en les présentant à Cathy… Le piège se referme et, pour ne pas déplaire, pour continuer à croire que le rêve est possible, Cléo endosse le terrible double rôle de victime et bourreau.

Ce qu’il se passe dans les 30 années qui suivront, ce sont ceux qui croiseront la vie de Cléo qui nous le raconteront. Yonasz, Lara, Nico et les autres rassemblent les bribes de sa personnalité et de son parcours, de la MJC aux paillettes des shows télévisés, des espoirs déçus aux moments plus doux, jusqu’à l’explosion du mouvement « me too ». Un projet de documentaire, des langues qui se délient difficilement et tout ce que chacune avait tenté d’enterrer revient enfin en lumière.

Un texte fort et pudique sur cette délicate question des réseaux pédophiles. Ce serait cependant réducteur de s’en tenir là… La danse et ses souffrances, la culture populaire des années 1980 et 1990, Derrida et Goldman en exergue du roman, les questions de la culpabilité, du pardon, de l’oubli, qui jalonnent la vie de ceux et celles « qui sont passés par là ».